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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Ces rêves qui font désordre
Summertime résonne dans ma tête depuis le dernier cours de chant jazz.
La voix d'Ella Fitzgerald est sublime, tellement parfaite.
Dans la salle de bain, j'ai fait couler l'eau chaude dans la baignoire, mon corps dans l'eau, et j'ai rempli la pièce avec ma voix.
Dans l'appartement il n'y avait que moi.
Les voisins, je m'en fous.
J'ai chanté fort, jouant avec les vibrations, ouvrant plus ou moins les lèvres, remplissant ma bouche de voyelles.
C'était tellement bon.
Mon ancienne prof de chant me disait toujours d'imaginer une pomme dans ma bouche.
Mon ancienne prof de chant, une fois je lui ai dit que j'avais rêvé d'elle.
Dans mon rêve, elle m'avait mis des ailes dans le dos, et je pouvais désormais m'envoler.
C'est tellement ça, en fait.
Je suis dans la baignoire, mais en vrai, je vole.
(C'est juste un peu bruyant pour les voisins (hum)).
Je suis fatiguée.
Le week-end, les cours.
Samedi, un vieux copain m'a écrit un texto.
Il dit qu'il faut qu'on s'voie parce que ça fait une éternité qu'un tel évènement ne s'est pas produit.
J'étais entièrement d'accord.
Il n'était pas encore minuit, j'étais chez moi.
J'ai enfilé mes rollers et en 3 minutes j'étais dehors.
Dans le froid.
J'ai mis les mains sur mes oreilles pour garder mon cerveau à température ambiante.
Mon vieux copain était dans un bar et la première chose que j'ai vu c'était son grand sourire qui voulait capter mon regard.
Ensuite il a dit "aaaah t'es blonde !!!"
J'ai ri.
"T'es bronzée aussi !"
Non en fait j'étais surtout rouge d'avoir fait du roller dans ce froid piquant.
Il était avec 3 copains, dont un que j'avais déjà vu une ou deux fois et qui faisait comme si on était les meilleurs amis du monde (du calme petit).
Je leur ai tous fait la bise et j'me suis assise à côté de mon pote.
Là, on a fait un calcul sérieux, et on s'est rendu compte que ça faisait 10 mois qu'on s'était pas vu.
Pas mal ouai.
Lui, au collège c'était mon meilleur pote.
On s'lâchait plus.
Chez lui j'me sentais chez moi.
Son chat c'était mon copain.
On apprenait à rouler des joins avec l'herbe de sa mère.
Qui était dégueu d'ailleurs, mais on le savait pas.
A la télé on regardait Nicky Larson.
On s'envoyait des mails, des lettres, des textos, on faisait du hors forfait.
Ma peluche de Crash Bicoot, c'était lui qui me l'avait eu dans une foire du trône, parce qu'il me connaissait trop bien.
On avait 15 ans.
Il me sourit, de son sourire toujours rempli de douceur.
Et ses yeux à demi-ouverts.
"Alors quoi d'neuf ?"
Tellement de choses !
On parle on parle on parle.
J'en oublie complètement ses potes.
Oups.
Alors par politesse je leur demande qui ils sont, d'où ils viennent, tout ça.
Et j'commande une pinte parce que ça donne soif de parler.
En tout, dans la soirée, on a changé 3 fois de bar.
Vers 3h, j'étais complètement bourrée.
Les amis de mon pote nous ont payés 50 milles verres.
Ils disaient "tu reprends la même chose que nous ?
Je disais "non c'est bon j'suis trop bourrée !"
Ils m'écoutaient pas.
Même les américains s'y sont mis.
Ils disaient "noooooooo you're not drunk ! What is your name ?"
"Aphone !"
"You see, you know your name. So, repeat after me : I'm Aphone, and i'm not drunk !"
Et j'explosais de rire et je buvais mes verres cul sec.
C'était tellement simple.
Je me souviens de très peu de choses cette soirée.
Je me souviens du mec qui m'a embrassé quand je suis sortie des toilettes (je sortais où je rentrais ? Est-ce que j'ai réussi à faire pipi ?), et j'me souviens que ça m'a paru vraiment dégueulasse comme baiser.
J'ai senti sa grosse langue dans ma bouche et j'ai compris qu'il fallait que je fasse un mouvement de la tête pour me dégager.
C'était d'une difficulté terrible, j'ai crois que j'ai mis du temps à y arriver.
J'me souviens du moment où on est parti avec mon pote, j'avais beaucoup de mal à marcher à côté de lui sans zigzaguer.
Il m'a dit "tu peux dormir chez moi, y'a pas de problème tu sais".
J'ai dit un truc comme "non non t'inquiète ça va aller je vais rentrer en rollers" et je l'ai suivi jusque dans sa chambre où j'ai échouée lamentablement sur un matelas qu'il avait déplié pour moi.
Ils auraient du me croire les américains quand j'leur disais que j'étais trop bourrée.
Quand j'me suis réveillée, mon pote m'a dit qu'il avait vomi 2 fois.
J'ai ri.
Moi, ça allait niquel.
Même pas la gueule de bois.
J'avais rendez-vous avec Mèl à 15h.
Il était 11h.
J'suis rentrée en roller, en me demandant 100 fois où je trouvais l'énergie pour faire du sport un dimanche matin.
A 15h, j'ai retrouvé Mèl au cinéma.
Elle m'a laissé venir derrière elle, et elle a fait basculé sa tête contre moi, comme elle fait souvent.
J'ai posé mes lèvres sur sa nuque.
Elle avait un gros pull et un jeans trop grand pour elle.
On était avec un petit groupe de personnes.
Mèl fait partie d'une association.
On était qu'avec des étudiants gays.
C'était drôle.
Pendant la séance, nos 4 mains sont restées l'une dans l'autre.
C'était agréable.
On est sorti et on a cherché un bar pour discuter ensemble du film.
Le petit groupe a voulu aller dans le marais.
J'étais crevée et ça me paraissait loin.
J'ai commencé à lui expliquer que je n'allais pas venir.
Mais elle m'a emmené dans l'escalator, et elle m'a filé un ticket de métro.
Elle voulait que je vienne.
J'suis venue.
On s'est retrouvé dans un bar australien pas gay du tout, avec une télé qui passait un match de rugby.
Mèl était dans mes bras.
Ça faisait longtemps que je n'avais pas été proche de quelqu'un comme ça, non stop, même dans les lieux publics.
Je ne suis pas vraiment pour ce genre de choses d'ailleurs.
Mais là, en ce moment, j'm'en fous.
Je ne veux pas réfléchir.
Je veux juste qu'elle reste contre moi.
Les garçons (qui étaient majoritaires) nous racontaient leur coming out.
J'écoutais tous ces inconnus qui me dévoilaient une partie d'eux.
Je me suis sentie pudique.
Parce que moi je ne disais rien.
Je n'voulais pas me dévoiler.
Je ne voulais pas leur dire mon passé.
Et puis je n'aurais pas pu.
C'était tellement plus simple d'écouter.
Mèl non plus ne disait rien.
Mutique autant que moi.
Et souriante.
Vers 20h, on était toutes les deux en train de mourir de faim.
Alors on est allé manger du poulet dans un fast food.
Juste elle et moi.
Dehors il faisait froid.
Elle m'a emmené chez elle.
J'aurais voulu qu'elle vienne dormir chez moi, mais c'était compliqué pour elle.
C'est dur de partir de quelqu'un en pleine nuit.
Surtout quand dehors il fait froid.
Et pourtant, à 1h du matin, je suis partie.
Je n'avais pas mes affaires de cours, c'était pas sérieux de rester.
Pourtant j'avais pas sommeil.
Ma tête était pleine de pensées.
D'agitation.
J'étais tellement bien dans ses bras.
A embrasser chaque centimètre de sa peau.
Mes mains étaient encore pleine de son odeur.
Mon corps était dans mon lit, mais moi j'étais restée chez elle.
J'ai mis 3h à m'endormir.
Autant dire que le cours d'italien de 8h, j'y suis pas allée.
C'était mathématiquement impossible.
Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai eu mal au coeur.
Dans mes rêves, il y avait le prof blond.
Il était là, presque réel, ses yeux bleus et son sourire, et moi qui le suivait, et lui qui m'échappait, et la nuit qui tombait, il avait disparu.
Aie.
La journée m'a paru terriblement longue.
Tout me ramenait à lui.
Mes potes de cours (les mêmes que l'an dernier).
Les cours en eux-même.
La fac.
La vie.
L'univers.
Bref.
Et mes sentiments étaient soudainement aussi fort qu'auparavant.
Aussi fort que quand je ne vivais que dans l'attente de le revoir, chaque semaine.
Quand plus rien n'avait d'importance à part ce qui me ramenait à lui
Mèl m'écrivait des textos.
Elle m'a dit "I miss you".
Je m'en voulais un peu.
Parce que Mèl est sincère avec moi, elle me raconte pour son ex, elle me dévoile ses pensées.
Transparente, honnête. Optimiste.
Et moi je suis un gros mur en béton.
Je ne dis rien.
J'écoute en silence.
Et je garde en moi mes sentiments.
Je garde pour moi mes pensées.
"Ne touchez pas, c'est à moi, ça m'appartient".
J'ai pensé au prof toute la journée.
J'ai souhaité que la nuit arrive vite, qu'elle efface l'ancien rêve par un nouveau.
Mais le lendemain, j'y pensais encore.
Et l'envie d'aller le voir jeudi soir prochain me bouffait de l'intérieur.
Pourtant, jeudi soir, avec Mèl on avait prévu de passer la soirée ensemble.
Parce que c'est le seul soir de libre qu'on a en commun avant un moment.
J'voulais qu'on regarde des films, j'voulais qu'il y ait à nouveau son odeur sur mes mains.
Mais il suffit d'un rêve.
Un rêve qui créer des ordres.
Depuis ce rêve, j'ai mal au ventre.
J'ai besoin d'aller le voir, juste 10 minutes.
Qu'il me rembarre une bonne fois pour toute.
Qu'il sorte de mes rêves.
Qu'il sorte de ma tête.
Que je comprenne que c'est non, qu'il n'y a aucune raison d'y penser encore.
Et revoir Mèl.
Sereinement.
(J'suis super crevée, j'me suis pas vraiment relu mais j'avais trop besoin d'écrire, j'espère que c'est pas trop le bazar dans ce texte !)
(Bon j'ai un peu corrigé quand même)