Dimanche, chez le Dessinateur, j'ai voulu consulter mes mails.
Son compte s'est ouvert automatiquement.
Mais comme j'avais la tête dans le gaz, j'ai pas compris tout de suite.

"Vous avez un nouveau message sur adopteunloup.com"

- Bah comment ça s'fait ? J'ai supprimé mon compte y'a belle lurette quand même ...

Attention, 2 secondes de réflexion profonde :

.............. Une
.............. DEUX !

Mince, c'est sa boite mails à lui !

...

J'appuie sur "se déconnecter"

(Ne pas y penser)
(Ne pas y penser)

...

La journée a passé.
Je me suis sentie devenir triste.

Et le soir encore plus.
"C'est la fatigue, c'est la semaine, c'est que dal"
"Dors"

...

Au matin, un petit nuage gris est venu se mettre au dessus de mon oreiller.
Et puis il n'a plus bougé.
Ca a commencé à m'énerver.

- Bon, ça suffit maintenant, je t'ai vu, tu peux partir

Il me regardait en silence.

- Ca ne sert à rien, je me fiche de toi, je ne te vois même pas

J'ai caché ma tête dans l'oreiller.
Il souriait.

Moi : Pourquoi tu t'en vas pas ?
Le nuage : Tu ne sais pas ?
Moi : Non, tu m'agaces ! ... Laisse-moi tranquille ...

Il m'a sourit gentiment.

Le nuage : Il faut que tu parles
Moi : Et qu'est-ce que ça changerait ?
Le nuage : Tout
Moi : ...
Le nuage : Je t'assure
Moi : ...

Il m'a regardé tristement.
J'ai soupiré.
Fatiguée.

Moi : Tu sais, c'est ma faute ...
Le nuage : Pourquoi ?
Moi : C'était clair depuis le début, pas d'histoire d'amour ... Je suis bête d'être triste ...
Le nuage : Tu as le droit d'avoir envie d'aimer, et d'être aimée ... pourquoi tu ne lui en parles pas ?
Moi : Ah non, si en plus tu me poses des questions connes !!!
Le nuage : ...

Je me suis radoucie.

Moi : Non mais ... ça servirait à rien ... je ne devais pas m'attacher, on était d'accord, je suis d'accord ... parce qu'il y a notre écart d'âge, nos envies de liberté ... ses enfants ...
Le nuage : Il a des enfants ??
Moi : ... Oui, deux... un semaine sur deux ... hier j'ai voulu voir des photos ... sa fille, elle parait hyper grande ! ça fait mal ça aussi.

Il me regarde. Il se tait.

Moi : Tu sais pourtant, j'lui disais qu'on était libre, mais j'pensais qu'il était content de m'avoir, qu'il avait pas l'temps, que ça lui suffisait ... J'pensais qu'on était quelque chose, pas un couple, mais deux personnes qui s'apprécient, qui sont sincères ... J'pensais qu'on partageait, tu vois j'ai même cru qu'on se comprenait ! ... Je suis bête. Je m'en veux de réagir ainsi, cette stupide colère, ça me bouffe le ventre ...

Le petit nuage était de plus en plus noir. Il se taisait toujours.

Moi : Je sais pas pourquoi je continue à me mentir, à cultiver ma solitude, à alimenter mes peurs ... tu sais, la première fois, quand j'suis partie de chez lui, il m'a envoyé un texto presque aussitôt, il m'a dit "merci pour cette douce parenthèse" ... j'avais pas trop aimé le terme, mais ça m'avait fait sourire ... Mais en fait c'est ça, j'suis rien qu'une parenthèse ...

Des grosses gouttes ont commencé à tomber du nuage. Ca coulait sur mes joues. Il faisait sombre dans la chambre.

Moi : Je suis vraiment stupide putain ... Tu sais, il est distant depuis hier ... ça, je sens quand quelqu'un s'éloigne ... Je suis en train de le perdre, j'ignore pourquoi maintenant, mais au fond ça n'est pas ça l'important. Je sais.

Le petit nuage pleuvait toujours. Et au fur et à mesure, il diminuait.

Moi : J'ai beau faire attention, je finis toujours pas me sentir triste... j'me crois forte et puis ... j'ai tellement peur qu'il faut toujours que j'aille vers les hommes qui sont fermés ... des murs, et j'fonce à 130 dedans, et bam, en silence. Je sais ce que je vais faire, comme toujours, je vais m'interdire de le revoir, de lui parler, je vais oublier ... oublier son ventre, oublier son appartement, oublier son odeur ... Trois mois ce n'est rien, ça s'oublie vite ... vaut mieux faire ça maintenant, au tout début, j'ai toujours fait comme ça, je n'ai jamais permis ... je suis jeune, j'ai la vie devant, un jour je trouverai un amoureux, j'arrêterai de me priver d'amour, et puis je serai heureuse ... c'est ça le plus important dans la vie, pas vrai ? C'est l'amour, c'est le bonheur, je trouverai mon bonheur ... Pas vrai ?

J'ai froncé les sourcils.

- Tu m'écoutes ??

Silence.

Le petit nuage avait disparu