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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Portsmouth - Part two
"Ca va encore être le genre de texte super long que j'lis jamais jusqu'au bout ?
- Euh oui voilà"
Vendredi.
Lio était parti travailler, comme chaque jour depuis qu'il a été pris à Auchan.
Moi j'ai commencé lentement à préparer ma valise, un sac pour mettre chaton dedans et un autre sac pour mettre mon pc portable (alias Félix).
J'étais contente de partir, j'avais pris ma jupe anglaise, j'allais prendre le bateau, le train, j'allais donner chaton (qui commençait à m'avoir suffisamment lacéré les avant bras), et j'allais parler anglais.
Tout allait super bien.
Sauf UNE chose.
...
Lio n'était pas encore au courant que je partais, ni où, ni pour combien de temps, ni pourquoi.
Et j'avais pas tellement l'intention de lui en parler.
Pour plusieurs raisons.
1. Lio est jaloux de Ben W. (parce qu'il ne l'a jamais vu et qu'on parle beaucoup sur MSN, ça l'intrigue qu'on ait autant de choses à se dire).
2. Lio voulait qu'on aille ensemble en Angleterre, parce qu'aucun de nous n'y avait jamais mis les pieds, alors ça aurait une sorte de dépucelage commun, un truc dans le genre.
3. Lio pouvait mal le prendre que je m'éloigne quelques jours, ça faisait un peu penser à la fois où je suis partie de Lille pour fuir Th, et où je suis revenue pour le quitter car j'en avais rencontré un autre. Mais je ne sais pas s'il aurait fait le rapprochement. Bref.
J'ai fait ma valise en regardant les Guignols de l'info et je suis allée conduire une heure, même qu'on a fait de la voie rapide, même que j'aime trop conduire, ça devient une obsession.
J'suis rentrée avec le sourire, j'ai terminé ma valise et j'ai attendu.
Lio est rentré d'Auchan, il m'a fait un grand sourire et m'a pris dans ses bras.
Il a vu le petit sac rouge posé sur la chaise et il a dit
"C'est quoi ?
- C'est pour chaton.
- Ah bon ?
- Oui, je le donne demain.
- Où ça ?
- A Paris.
- Ah donc tu prends le train demain ? Tu passes le week-end à Paris ?
- Oui.
- Ah d'accord".
J'avais soudainement envie de le serrer fort dans mes bras et de l'embrasser des heures.
Mais je me suis préparée pour aller bosser, il m'a dit "à dans une heure !", j'ai souris et je suis montée sur ma mob.
C'était confus au fond de moi, ce départ inévitable et ce silence en parallèle, le soulagement et le manque en combat perpétuel dans mon ventre, mes pensées que je vide le plus possible pour ne pas avoir à angoisser.
Au bout d'une heure de travail, il est effectivement arrivé.
La première chose que j'ai vu, ce sont ses yeux aussi lumineux que des spots en pleins concerts, vous savez.
Il n'avait pas été aussi clairs depuis un moment, quand ?
J'ai eu envie de me jeter dans ses bras.
Mais j'ai continué à dresser des tables.
On s'est effleuré plusieurs fois, nos visages se sont touchés des yeux, mes mains étaient presque sur sa peau, et je le trouvais beau, toujours aussi beau.
Mais fallait pas reculer.
On a eu fini à 1h.
Il ne m'a pas attendu avec sa voiture pour être sûre que j'étais bien derrière lui.
Je conduisais dans la nuit et j'aimais ça, les odeurs étaient terriblement douces, c'était cruel de quitter tout ça, tout me serrait le coeur.
J'ai fait couler un bain directement.
Pendant que la baignoire se remplissait, il a voulu qu'on fasse un câlin.
Moi je voulais juste l'embrasser.
J'étais tendre, contrairement aux autres jours, quand il me serrait fort dans ses bras en me disant "je t'aime, tu me manques, tu ne me fais plus de câlins", quand il angoissait à cause de mon comportement.
Mais je me suis levée vite, comme quand je l'esquive, je suis allée me noyer dans l'eau brûlante.
Une fois allongée dans le lit, il s'est collé à moi, puis il m'a dit "tu reviens quand ?". J'ai réfléchis et j'ai dit "jeudi".
Il s'est immobilisé.
"Jeudi ?? Tu pars une semaine et tu me le dis même pas ? Ca te plairait si moi je partais comme ça sans rien dire ?"
J'ai rien dit.
"Tu vas dormir où ?
- A ton avis.
- Chez Reno ?"
J'ai acquiescé.
"Mais pourquoi tu me l'as pas dit ? Qu'est-ce qui va pas en ce moment ? Tu doutes ?"
Je le sentais se décoller de moi doucement. J'ai haussé vaguement les épaules.
"J'ai pas tellement envie d'en parler là, j'suis fatiguée".
Son corps ne touchait plus le mien. Je me suis rapprochée un peu. J'étais mal. Je voulais m'endormir dans les secondes qui suivaient mais c'était douloureux d'avoir merdé au dernier moment. Et j'pouvais pu reculer.
Samedi.
6h30. Je me suis levée courageusement pour pas louper mon train, j'me suis forcée à manger un truc, j'ai mis le chat dans le sac, Félix dans l'autre, je me suis habillée et je suis retournée dans le lit pour lui dire au revoir. Il a pas bougé les lèvres, il a pas ouvert les yeux, j'étais convaincue qu'il m'en voulait à mort.
J'ai marché dans les rues avec Chaton qui miaulait comme un torturé. Au métro elle s'était calmée, ça m'a évité d'être l'attraction du wagon. J'avais du mal à ouvrir les yeux, je baillais sans cesse. Dans le train j'ai dormi. Jusqu'à ce que Chaton me réveille en miaulant. J'l'ai sorti et j'ai joué un peu avec elle. Elle avait fait caca, ça dégageait une charmante odeur. Des mecs à côté étaient gaga devant la boule de poil. Le temps m'a paru long jusqu'à la gare.
J'ai cherché Stupidchick dans la gare, on s'envoyait des textos et c'était pas pratique pour se trouver. J'étais dans les vappes.
Elle était assise à un café. Je lui ai présenté Chaton, elle avait l'air émerveillée. Et puis elle est partie presque aussitôt pour aller s'occuper du Chaton. J'ai comaté.
Inconsciente est arrivé un peu après.
C'était agréable d'avoir sa compagnie, on est resté 1h30 ensemble, pourtant j'ai eu l'impression que ça avait duré 10 minutes.
La fatigue me rend stone.
Ou alors c'est Inconsciente qui fait accéléré le temps avec ses sourires. Je sais pas.
On s'est dit au revoir et elle m'a envoyé des bisous avec la main. Ca m'a fait drôle. Ca faisait longtemps. Ca m'a rappelé mon père. Ca m'a fait chaud au coeur.
J'ai dormi dans le train.
Puis j'ai envoyé un texto à Lio pour m'excuser.
Il a pas répondu.
Arrivée au Havre, j'ai marché au hasard en essayant de trouver la mer.
Mais la mer est fourbe, elle se cache tellement bien derrière les immeubles.
Je me suis retrouvée dans une zone de travaux, une sorte de port déserté, je me suis allongée et j'ai pris des photos, j'arrivais pas à attraper les mouettes.
J'avais marché pendant 30 minutes et je m'étais complètement paumée.
J'avais encore 3h devant moi, j'avais pu la force de chercher mon chemin.
Puis il s'est mis à pleuvoir.
J'ai marché en sens inverse jusqu'à ce que je trouve le ferry.
Un mec est passé à côté de moi et a dit "vous êtes très charmante mademoiselle".
J'ai eu envie de lui dire "tu t'fous d'ma gueule ?".
Objectivement je baillais toutes les minutes, j'avais les cheveux trempés qui me tombaient sur le visage, j'étais défigurée par la fatigue.
Y pleuvait trop et j'me suis abritée.
2 hommes m'ont la cosette.
"Vous êtes perdue ?"
Ca se voit tant que ça ?
"Vous venez d'où ? Vous êtes anglaise ?"
Ahah.
Ils m'ont indiqué où était le ferry et en y repensant c'est cool parce que j'étais sur le point de partir à l'opposé.
J'ai pris mes billets.
J'attendais une réponse de Lio qui venait pas.
J'ai téléphoné à ma grand-mère avant de monter dans le bateau.
Et j'ai envoyé un texto méchant à Lio, persuadée qu'il m'en voulait.
J'ai coupé mon portable quand le bateau a démarré.
J'étais affamée.
Tout à l'heure la nana du bar avait pas accepté mon billet de 5e parce qu'il était fendu au milieu.
Et elle prenait pas la carte bleu non plus, pensez-vous.
J'ai eu les larmes aux yeux, j'en pouvais plus, trop de contrariété, j'voulais juste m'endormir.
Dans le bateau le serveur à accepter mon billet tout nické.
J'ai mangé un petit truc, j'ai pris 2 dolipranes et bonne nuit les petits.
Le bateau tanguait beaucoup.
J'étais jamais montée dans un bateau aussi gros.
Aux fenêtres il n'y avait que la mer à l'horizon.
J'étais déçue de pas voir de dauphin comme dans le Titanic.
J'suis restée longtemps collé à une vitre pour regarder l'Angleterre se rapprocher.
C'était juste beau.
Ben W. m'attendait à la sortie, avec un sandwich fromage salami.
J'ai souris à fond.
Tout allait mieux.
On a marché un moment jusqu'à un bar alors qu'il me parlait de ce qu'on allait faire, de ce qui était différent ici.
On a vu 2 mecs courir tout nu dans la rue.
Ca m'a fait rire.
"C'est pour toi qu'ils font ça Aphone, pour te souhaiter la bienvenue".
J'étais morte de rire.
On s'est posé dans un bar.
Là bas, les bières sont pas trop cher et le minimum à consommer c'est une pinte, le demi, ils connaissent pas.
J'aime les anglais.
J'ai pris pleins de photos, des anglais potes de Ben sont arrivés, j'avais du mal à comprendre tout ce qu'ils disaient, j'ai dit "i need to pi", mais Ben m'a dit qu'on disait "i need to piss", et d'ailleurs, une fille ne dit pas qu'elle a envie de faire pipi. Ca a fait rire les anglais. Très vite j'me suis retrouvée "over-drunk", à poser 30 000 questions aux gars anglais. Y'en avait un qui étudiait la "criminologie", ça m'a vachement perturbé. Le bar était super beau, dans les toilettes y'avait des miroirs en forme de coeur, on était assis sur des canapés trop moelleux et y'avait une petite télé qui passait du criquet et du catch. J'étais à fond dans le catch. Et j'étais fasciné par les pounds, ça m'a rappelé Mary Poppins.
On est parti vers je sais plus quelle heure, il pleuvait mais ça m'a pas surprise, j'avais faim et Ben m'a payé un cheeseburger dans un fast-food qui s'appelait "mégabite", j'étais morte de rire. Les anglais ont porté mes 2 sacs comme des gentlemen, et puis on a marché sous la pluie, c'était agréable. On a pris un taxi 6 places, genre SUPER TAXI, j'étais impressionnée. Et puis on a couru sous la pluie, jusqu'au bâtiment universitaire, jusqu'aux petites chambres. J'ai tripoté la PSP d'un anglais, j'suis allée sur le Pc de Ben pour regarder mes emails. Y'en avait un de Lio. "J'suis pas fâché mon coeur, c'est juste que mon portable est cassé". J'étais surprise. Et je me suis sentie super coupable d'être là sans qu'il le sache. Il fallait que je lui dise. Et puis j'ai eu vachement sommeil. Y'avait qu'un seul matelas. Ambiance camping quoi. J'ai proposé qu'on alterne, une nuit sur le lit, une nuit par terre. J'ai dormi sur le lit.
Dimanche.
J'ai écrit un mail à Lio. Je l'ai envoyé. Et depuis c'est un peu la torture pour mon cerveau. J'attends, l'attente infernale d'une réponse soit bonne soit mauvaise, mais une réponse quand-même. On a mangé des "eggs and bacon", j'ai trouvé ça terriblement bon. On discutait dans une sorte de cantine universitaire. Cinéma, littérature, politique, sexe et scatologie. On s'est baladé tout près de la mer, j'ai pris des photos, c'était parfait. Le ciel bleu, l'eau, l'odeur, nos corps étendus sur l'herbe à philosopher sur l'amour. Ou sur le sexe. Et l'attente au creux du ventre.
Musique : Blonde Redhead, The Dress
