Il y a le temps qui passe soudainement trop vite, les exams imprévus, les travaux non rendus et le stresse de tout foirer au dernier moment.

Il y a le soleil qui surgit de nul part, le vent tiède qui me frôle à 50 kilomètres à l'heure, ça sent l'été, ça sent le doux, ça sent la lenteur d'une sieste sous le soleil, et pourtant.

Il y a mes 10 minutes d'avance en allant à la fac le premier jour, mon sourire en réponse au beau temps, les filles de ma classe, souriantes, la jolie petite brune à la peau chocolat au lait, mes yeux incessamment posés sur elle, son visage et son corps, c'est beau une jolie fille, elle est comme je les aime et pourtant, aucun désir, juste de la fascination, il y a les profs et mon stylo qui a parfois du mal à suivre, la culture qui rentre partiellement dans mon cerveau, la joie d'apprendre, mais la peur de ne pas être à la hauteur, toujours, il y a ma Ryne au self, comme pour ensoleiller mes midis, nos discussions souvent portées sur le sexe parce "dès que t'arrives on parle de cul", je suis flattée, on rit, beaucoup plus qu'on ne se prend la tête, on s'encourage pour nos exams, ou presque, assise par terre à convoiter le soleil, je me sens zen, parce que j'aime cette fac, les arbres autour des bâtiments, les animaux aux fenêtres, y'aura pas tout ça a Paris, je sais que j'ai hâte d'y retourner, et pourtant, une boule de regrets qui se forme dans mon ventre, "pourquoi je pars d'ici ?", ça doit être l'attachement, sûrement.

Il y a les matins douloureux, les matins cauchemars, les mauvais rêves qui peuplent souvent mes nuits, réveil désagréable, je suis irritée, il se colle à moi, j'ai chaud, je le pousse, il grogne des "pourquoi tu me pousses ?", j'ai envie d'hurler "fous-moi la paix", l'histoire d'une seconde, l'histoire de me réhabituer à la vie, comme un coup dans le ventre un peu trop violent, pourquoi m'arrache-t-on à mon lit, pourquoi j'ai aucune force, pourquoi aujourd'hui est une grosse journée, je me rendors, j'envoie promener ce cours de latin qui est beaucoup trop tôt, dommage, j'aimais bien la prof, je ferme les yeux, blottie dans mon nid, lourde comme un phoque, je ré-ouvre les yeux, il est assis sur le bord du lit, habillé classe pour aller bosser, ses yeux bleu comme des spots en plein concert, il me regarde, je frémis, je suis bluffée, je referme les yeux, il est parti, je me lève, un peu tard, un peu trop tard, je m'en veux d'être aussi dormeuse, je m'en veux d'être aussi paresseuse, je voudrais bien être de ceux qui se surpassent et qui jouissent de voir leurs efforts récompensés, j'aimerais bien, je serais enfin fière.

Il pleut, mon pantalon est trempé, je m'en fous, je suis arrivée chez moi, je cours prendre un bus pour aller à la bibliothèque, je fraude une fois sur deux, je trouve ça un peu bête, mais je continue, j'arrive, je monte les escaliers, me retrouve au rayon roman, je me mets à chercher des livres, non pas au hasard, j'ai une liste bien précise, les livres que Joumana cite dans son joueb, et je me vois les trouver un par un, je me trouve déraisonnable, trop groupie, trop obsédée par elle, je veux lire tous les mots qu'elle a lu, je veux découvrir les univers qu'elle a traversé, je suis folle, je voudrais bien l'oublier, mais je la sais vivante à Paris, je la sais dans son univers de mélancolie et de fête, je me sens si proche d'elle, je me sens triste, je voudrais bien l'oublier, cesser de l'aimer, ou pas, j'ai trouvé le livre dont elle parlait, Joumana, justement, ce livre pour lequel elle s'est donné cette identité, oui mais tu n'as pas le temps de le lire, tu as tout ce vocabulaire de latin à te rentrer dans la tête, tu sais que ça n'est pas raisonnable, mais tu brûles de savoir pourquoi, de connaître, alors tu refermes le livre en sortant du bus, et tu ne l'ouvriras pas, tu promets ? oui.

Il y a l'ex sur MSN, le psychopathe, celui à qui tu reparles depuis peu, tu sais pas trop pourquoi finalement, tu voulais y voir plus clair, ah oui c'était ça, il ouvre une fenêtre dans laquelle il écrit "tu me manques, snif", je reste perplexe, je ne sais pas quoi répondre, partagée entre la reconnaissance et rien, comment pourrais-je m'abandonner à un homme comme lui, un homme qui fait du mal, qui vous ligote et qui vous empêche de respirer, pourtant au fond tu l'aimes bien, ce mec aux yeux tristes, un peu suicidaire sur les bords, un peu fataliste, un peu paumé, y'a un peu de toi dans lui, tu te retrouves au fond de ses yeux, mais il y a tout le reste, tout ce qui te rend folle, tout ce qui empoisonne, et moi je veux autre chose, moi je voudrais bien avancer, et lui qui dit "tu es toujours la même", comme si je n'avais pas changé, jamais, comme si je n'avais pas évolué, et ma tristesse, et ma colère, "tu n'as pas changé la miss", toi non plus tu sais, et je reste indifférente, les doigts muets face au clavier, non, j'en ai marre de m'accrocher au passé, j'en ai marre des doutes, j'ai envie d'avancer, et ça sera sans ceux qui me rendent triste, je lâche des morceaux d'hier pour m'envoler, je lâche les amis chiants, je lâche les mères infernales et je lâche les ex un peu psychopathe sur les bords, je garde que le meilleur ok ? ok.

J'apprécie ce moment de solitude, je voudrais qu'il dure bien plus que 2h, à écouter de la musique douce en mangeant une omelette brouillée, une omelette que j'ai faite toute seule et dont je suis fière, et je me dis qu'un jour je serai peut-être forte en cuisine, ou même en guitare, ou même en chant, ou même en latin si j'arrive à apprendre le mot praesidium et tous ses copains, et je suis optimiste d'un coup, c'est agréable ces instants à déguiser les souvenirs en mots, tu promets que tu te décourageras pas hein, que t'arrêtas pas d'écrire à cause des doutes hein ? promis.

Ouai enfin, faut surtout que j'ai mon année, parce qu’y parait que l'an prochain on aura 5h de plus par semaine.
Alors bon, ça devrait suffire à me motiver.

REVISONS !!!