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Les mots sans le son


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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Aphone pour vous servir

Jeudi soir.

J'ai le sourire.
En face de moi, un grand miroir.
Je me relook de haut en bas :
- Chemise blanche classique (relativement moulante au niveau des seins),
- Jupe noire classique (relativement courte et moulante au niveau des fesses),
- Collants blancs et petites chaussures asiatique noires.

Ce soir, je suis serveuse.
Et en apparence, c'est plutôt classe.

Je téléphone à ma grand-mère pour lui raconter mes histoires en avant première.
"Oh super, je penserai à toi ce soir, j'espère qu'ils vont te donner un peu à manger quand-même !".
Moi aussi j'espère, à vrai dire.

Lio attend que j'ai raccroché pour mettre son manteau.
Je nous place tous les deux devant la glace.
On est au summum de la classe.
Je suis excitée.
On monte dans la voiture.
La jupe (un poil trop petite) me sert au niveau du ventre.
Au moins, elle tombera pas (pensais-je pour me rassurer)(m'enfin elle risque de remonter)(hum).

5h. On arrive.
Lio se gare sur le parking, juste en face de la célèbre chaîne d'hôtels Jupiter.
J'ai le trac mais j'ai confiance, Lio a dit qu'il resterait près de moi toute la soirée pour m'aider.

Lui, c'est un habitué, ça fait un an qu'il travaille ici en tant qu'extra.
Moi, j'ai jamais fait serveuse, et j'ai jamais travaillé non plus dans ce genre d'endroit.

J'ai confiance, Lio sera là pour m'épauler.

20 minutes après être entré et avoir vu quelques serveurs et serveuses, Lio s'éclipse pour aller faire autre chose que de m'assister.
Je reste zen.

Je prends une blonde pour cible, la harcelant de questions dès que j'ai un doute.
"Faut ramener combien de bouteilles d'eau ? Elles sont où déjà ? Où ça ? Ah ok. C'est loin ? Et fallait pas ramener autre chose ? Le Coca je le pose bien ici ?".
Je prie à chaque début de phrase pour qu'elle ne m'envoie pas chier.
Mais à ma grande surprise, elle est sympa.

On installe la future salle où aura lieu le banquet, c'est relativement cool.
Je rencontre enfin les fameux collègues de Lio.
Celui qui dit toujours "mother fucker" et qui m'appelle "ma chérie" dès qu'il a besoin d'un service.
L'autre, celui qui a un prénom bizarre et une allure de robot en fer forgé, imposant comme un bulding, et avec un accent américain (ou parfois québécois, étrange).

L'hôtel est super classe, ça sent l'argent à chaque mètre carré de moquette, la déco est sereine, dans un salon il y a un défilé de mode, pour qui, pourquoi ? Ça, je crois qu'on est pas payé pour le savoir de toute façon. Je laisse traîner mes regards sur les robes des mannequins.

6h. C'est la pause miam.
A vrai dire j'ai pas très faim, mais j'anticipe les heures de travail.
Je suis les autres et on arrive à l'arrière d'une cuisine où sont délicatement posés des plats alléchants pour nous.
J'en regrette le self de la fac.
Je me retrouve avec un morceau de viande de foi (aarg), des pâtes tièdes sans sauces et un yaourt nature (sans sucre).
Bon.

On mange en écoutant "mother fucker" raconter des conneries.
Je me force à avaler les pâtes qui sont déjà froides.

6h30. C'est reparti.
Ca bouge un peu dans tous les sens.
Je me sens paniquée à l'idée de ne pas savoir quoi faire, de n'avoir rien à faire, qu'on me lance des regards de reproches, ou même des reproches tout court.

Mais non, je crois qu'il y a comme une sorte d'esprit d'équipe, mais dès que je ne fais rien, on me demande un service.
Ca me rassure un peu.

Je me retrouve donc à devoir napper une dizaine de plateau en bois noir.
Je vais chercher des serviettes blanches dans une pièce sombre et je les pose une par une délicatement sur les plateaux, l'air tellement appliqué qu'on aurait pu me croire passionnée par ce boulot.

Puis on me demande de ranger, d'aller en cuisine, de revenir, d'aller dans le frigo, de revenir, etc.
Tout ça parsemé de sourires envoyés par mes nouveaux collègues (homme je précise, dont l'un à une tête tellement attractive que je ne cesse de lui renvoyer ses sourires, même si les siens sont un peu des invitations à aller boire un verre, hum).

8h. On est debout, derrière des grandes tables joliment décorées de verres de champagnes, verres de pastis, verre de jus wisky-coca ou autre.
On ne bouge plus.
Mon homme revient quelques minutes se placer à côté de moi.
Il me dit que les clients vont bientôt rentrer dans la salle et qu'on doit être près à ouvrir les premières bouteilles de champagnes.

L'idée d'en ouvrir une me stresse profondément, car la dernière fois que j'ai tenté d'ouvrir une bouteille de bière, le bouchon s'est retrouvé directement au plafond pour enfin chuter sur une amie pas loin de moi.
J'ai peur.

J'observe mes amis les serveurs et m'amuse à me tenir exactement comme eux : les mains jointes derrières le dos, sourire, la tête bien droite.
J'aime être un objet de décoration d'intérieur.

Au bout d'un quart d'heure, le chef nous ordonne de remplir les coupettes de champagne.
Mon homme est reparti bien sûr.
Je prends un grand-blond-boutonneux en otage pour le harceler de questions.
Celui-là prend un malin plaisir à se foutre de ma gueule jusqu'à ce qu'on mette les choses au clair.

- Bon, tu sors d'une école d'hôtellerie ?
- Euh non.
- Ah, bon alors tu as déjà travaillé ici ?
- Euh, non plus.
- Ah, ok. Donc en gros t'es totalement en stresse et t'as jamais débouché une bouteille de champagne de ta vie ?
- Euh, oui, voilà.

Du coup il se met à m'apprendre toutes les ficelles du métier, comment on tient la bouteille, l'étiquette face aux gens, avec la serviette en dessous, bien cacher les doigts, et puis comment on ouvre la bouteille, jusqu'où on remplit le verre, etc.

Je me sens un peu plus confiante.

Effectivement, au début les clients de Saturne n'ose pas se ruer sur les coupettes qu'on leur propose mais font comme si on n'existait pas, parlant entre eux ou regardant la télévision.

Je ne comprends pas comment on peut avoir le coeur à ignorer du champagne.

A côté de moi, il y a un stand indépendant de bière nordiste, le mec me prose une bière en échange d'une coupette.
Je suis touchée par la proposition mais lui répond que je n'ai pas le droit de boire.
Il me sourit en avalant sa blonde.
Pffff, la prochaine fois je travaille pour une chaîne de bière moi.

Enfin, dès que le premier a osé se servir, c'est un peu comme la ruée vers l'or.
Et là j'ai n'ai plus une seconde, je débouche, je sers, je donne, je souris, je sers, je donne, je souris, je sers, etc.

Je ne vois plus les heures passées.
Et les coupettes disparaissent de la table à la vitesse de la lumière.
D'ailleurs, il n'y a plus de coupette sur ma table.
Les gens me regardent d'un air perplexe "il n'y a plus de champagne ?"
Je dis "non non, il faut juste attendre des nouveaux verres".
Et les gens ont l'air rassurés.

Je coure en cuisine, verres, bouteilles, je reviens et recommence mon travail à la chaîne.
Je tremblotte un peu en servant les coupettes, je crois que j'ai le trac, je stresse dès que je mets une goutte à côté, je crains une réflexion mal placée, mais rien ne tombe, juste des sourires, des blagues, des rires joyeux, des "mademoiselle, s'il vous plait, merci".

Je commence à avoir des clients réguliers, comme le petit vieux qui vient toutes les dix minutes pour se faire remplir sa coupette.
Sans rien dire il me regarde, me tend son verre, le reprend, et toujours silencieusement, repart.
Le message est clair et on économise de la salive, quoi demander de plus.

Une mannequin arrive près de ma table et me demande un verre alors que j'en ai plus.
Paniquée, elle prend un autre verre (ceux pour les cocktails) et me demande de remplir celui-là.
Je ris de son manque de principe et lui sers un verre à ras bord.
Elle me sourit.

Il y a le gros monsieur qui me demande si je peux lui donner les capsules qui sont sur les bouteilles de champagne. Dessus il y a des dessins asiatiques, et je comprends très rapidement que certains en font collection. De ce fait, je les mets bien en évidence sur la table, ce qui me vaudra beaucoup de "oh qu'est-ce que vous êtes gentille mademoiselle".
Je suis aux anges.

Au bout de 10 bouteilles à mon actif, les gens commencent à être légèrement bourrés.
Un gros Richard m'appelle avec sa grosse voix de poivro et m'ordonne de venir prendre une photo avec eux (des gens).
Le client est roi, j'hésite et je viens me placer à côté d'eux.
Erreurs, alors qu'on en est à la 15ème photos ratés aller on en refait une, le gros Richard m'empêche de partir en tenant fermement mon bras contre lui.
Je suis coincée.
Je ris.

Le gros Richard finit enfin par me lâcher et je peux courir en cuisine là où mon devoir m'appelle.

Au bout de la 20ème bouteille ouverte de la soirée, j'ai la main en feu, le poignet usé et de légères douleurs dans le bras.

10h. Il n'y a plus de champagne.
Tragédie pour certains, d'autres se consolent avec du pastis ou de whisky.

Un mec complètement bourré renverse son verre de pastis dans le machin ou on met la glace et le champagne.
J'explose de rire.
Mon collègue lui lance des yeux sévères en lui disant que ça n'est pas bien ce qu'il a fait.
L'homme est tout gêné et dit qu'il va laver le machin.
Mon collègue lui retire le truc des mains et lui sers un verre d'alcool.
Le mec repart en riant.

Je suis joyeuse, je n'arrête pas de sourire, tout me fait rire, je crois que je suis la serveuse qui à le plus la joie de vivre de toutes les serveuses ici présentes.
Ca doit être parce que c'est mon premier jour.

Je ramasse les verres sur les tables en les mettant sur un plateau, d'ailleurs je manque de le renverser sur les clients de Pluton, j'ai évité le drame de justesse.

Les clients me font la causette, me disent que j'ai un joli sourire, l'un de (celui qui a mis le pastis dans le truc à glace) n'arrête pas de vouloir me prendre en photo, un autre, plus subtilement, me dit "mais ne cachez pas de si beaux seins derrière un plateau", hum, je ne réponds rien et je me casse, il y a du monde partout, dur de se faufiler, ça sent la fête, la bouffe et l'argent aussi beaucoup, ça discute de négociations, certains ont des conversations plus futiles (comme mes seins par exemple), je nage au milieu de tous ces gens, je débarrasse, souris, aide mes collègues, je suis une vraie fourmis et je commence à avoir quelque peu mal aux pieds.

Vers 11h je me sens un peu mal, mal au ventre, peut-être que j'ai faim, je vais m'isoler 10 minutes aux toilettes, elles sont tellement classes ici, y'a même un canapé et un grand miroir, alors je comate un peu, ça me fait du bien, et puis je repars.

Minuit. La salle se vide progressivement.
Une vieille nous raconte sa vie "vous voyez mademoiselles, il faut prendre le temps dans la vie, moi je dis toujours ça à ma petite fille quand je l'ai au téléphone, mais vous savez, les jeunes, blablabla" je fais oui de la tête en souriant mais elle est plutôt barbante.

Je me dis que le boulot sera bientôt fini et m'imagine déjà assise dans la voiture, les fesses au fond du siège, quand Mother-fucker apparaît et me dit "tu dois faire ça, ça et ça".
Très vite je comprends que j'en ai pour 1h.

Je dois déposer 50 tasses de café + sous coupes + cuillères + sucre dans l'entrée d'Uranus.
Et en plus de ça, il faut que je les trouve.

Pendant que je fais mon devoir, le mec totalement bourré se balade dans les couloirs et continue à me faire la causette, me dit que je suis vraiment très gentille, me demande mon prénom, me dit qu'on s'en fout complètement en fait (de mon prénom), me prends en photo, me demande pourquoi je mets des tasses de café maintenant, écoute le début de mon explication et puis repars un peu plus loin.
Je souris, mais d'un sourire un peu fatigué.

Vers 1h je me laisse tomber à genoux sur la moquette, les pieds me brûlent totalement.
Vers 1h30, On est plus que 4 et Mother-fucker nous emmène dans le frigo et nous dit de manger quelques trucs qui traînent.
Normalement on a pas tellement le droit, mais bon, je ne me fais pas prier, surtout si c'est le sous-chef qui le veut.
En plus c'est vachement bon et je crève de faim.

On finit de ranger et puis on peut enfin s'en aller.
On passe par le bureau pour valider nos heures de travail, je skouate une chaise, je suis explosée.

2h, on est dans la voiture.
On passe au moins une heure à papoter avec Lio de cette soirée.
Il me regarde avec de grands yeux qui brillent, il a l'air content de moi, ou fier peut-être, il me sert dans ses bras en disant "c'est ma copine à moi, à moi et à personne d'autre", alors je suis ravie d'un coup.

J'aime bien être serveuse.
Ca me parait mieux que d'être animatrice pour une 20aine de gosses hystéros.
Au moins, on ne doit pas crier, on doit juste sourire, et puis courir.

Ce soir je retourne à Vénus pour un autre banquet.
Sans Lio.
J'espère que je vais m'en sortir =)

Ecrit par aphone
le Mardi 29 Avril 2008
à 11:51



Commentaires :

  mondaye
29-04-08
à 12:15

Youhou en espèrant que tu tombes pas sur des clients chiants, ça arrive parfois (des chieuuurs mais des chieuuurs *_*).

Comme ça tu sers sur mon blog ? Intéressant hein hein :D

  aphone
29-04-08
à 15:04

Re:

Ouai voilà, j'attends de voir ce que ça donne, un client un tantinet relou ^^

Une coupette pour madame ?


  mondaye
29-04-08
à 16:59

Re:

Tant que c'est le blog qui paye... x)

  Delirium-Tremens
29-04-08
à 19:47

Dis comme ça, ça à pas l'air si pourri ce boulot :)

  ecilora
29-04-08
à 21:47

A la fin de la journée, tu n'as pas l'impression d'avoir la tête sous un marteau au moins (contrairement à une journée avec des n'enfants)... Et puis, tu es plus souvent appelée mademoiselle que madame, aussi. Parce que les enfants... ;)
Enfin, j'espère que ça se passe toujours bien! :D

  Delirium-Tremens
30-04-08
à 08:33

Re:

Ouais puis si tu restes juste polie ça va quoi. Les enfants t'es OBLIGEE de donner de ton temps et de ta patience. Les "vieux" ils voient quand tu en as ras le bolle et ils connaissent les codes sociaux (comme "tu ne tires pas les cheveux à la madame")... C'est sur moi les minots j'ai toujours refusé. Ils sont adorable, mais en groupe c'est une torture (et je verrais bien un truc comme Bowling (ou boowling, c'est le matin merde) for Colombine....)...

  Delirium-Tremens
30-04-08
à 08:33

Re:

Non mais là j'ai pas du tout cligné d'un oeil. Il est con c't avatar. :(

  aphone
30-04-08
à 12:09

Re:

@Ecilora : T'as les mots justes dis donc.
C'est exactement ça, j'ai peut-être mal aux pieds, mais j'ai pas besoin d'avaler 3 dolipranes en fin de journée. Et je suis appelée mademoiselle parce que les Richards ont rarement moins de 20 ans.
Mdr.
Gros bisous !

@Delirium : Ouai c'est par comparaison que je trouve que ça n'est pas un boulot si affreux que ça (les gosses m'ont traumatisé !) BREF !
Mdr ! Fais-toi respecter un peu par les télécoums !!!



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