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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Tout ça tout ça
Jeudi
J'arrive à mon ancien appart pour donner un dernier coup de balais dans ma chambre, rendre les clefs, signer les papiers.
Y'aura bien sûr Calimero, mon cher colocataire et proprio à la fois.
J'avais dit à mes ex coloc "franchement Calimero j'en peux plus ! La prochaine fois que je le vois, je vais lui exploser à la tronche ! IL ME SAOULE !!!"
Ils étaient tous très d'accord avec moi. Personne le supporte en fait, ce Calimero.
Quand je lui ai dit que je voulais partir, il m'avait dit "oui mais tu comprends, faut que tu signes un préavis d'un mois", alors j'ai signé son préavis, et puis quand j'lui ai dit que j'partais, il m'a dit "oui mais tu comprends, là tu pars, mais tu vas devoir continuer de payer ton loyer Aphone", j'avais rétorqué "mais t'es pas cool, t'sais très bien que j'bosse tous les jours pour payer mon loyer et le reste, alors que toi tu touches déjà tous nos loyers + ton chômage + ton stage rémunéré, et tu veux quand même m'arracher un mois de loyer alors que j'vais devoir en payer un deuxième dans le même mois ???", il avait pu trop su quoi répondre, mais il a quand même rajouté "oui mais tu comprends Aphone, c'est pour toi que je fais ça, comme ça les prochaines fois tu te feras pas avoir".
Hallucinant. Comme si fallait qu'en plus d'être "mon ami" (parce qu'il s'incruste sur ton Facebook le mec), mon coloc (coloc hypermaniac qui possède une panoplie IM-PRE-SSIO-NNANTE de produit ménagers) et mon proprio (c'est à dire en plus de vivre aisement sans rien faire grâce à mes pauvres revenus d'étudiantes), il faut en plus qu'il s'occupe de mon éducation.
Sans compter qu'il a voulu plus d'une fois devenir AUSSI mon amant : "ouai Aphone j'te kiffe, tu veux pas dormir avec moi ?? STEUPLAIIIIT !"
ou "oh tu sais j'ai rêvé de toi cette nuit - ah bon ? -oui mais j'vais pas te raconter sinon ... - Quoi ? - ... -Bah dis-le que t'as rêvé que tu couchais avec moi c'est bon ! -bah comment t'as deviné ? -..."
ou "J'suis jaloux quand j'te vois embrasser un autre mec -oui mais bon j'y peux rien moi -bah tu pourrais ne pas l'embrasser ! -..."
D'façon j'aurais du dire non dès l'instant où j'avais remarqué qu'il s'attardait un peu trop longtemps à la contemplation de mes seins.
Toujours se fier à sa première impression, toujours (post-it).
J'arrive devant la porte en me disant "courage Aphone, c'est la dernière fois, après tu le revois plus jamais".
- Salut Aphone (grand sourire heureux de me voir) tu vas bien ?
- Oui oui (je me casse dans ma chambre)
- Alors quoi d'neuf ? Ca se passe bien dans ton nouveau logement ?
- Euh oui oui c'est super
- Ah bon c'est dommage ... j'me suis dit "on sait jamais, elle va peut-être changer d'avis et revenir"
- Euh bah non (rire crispé)
- Tu sais, j'me pose des questions moi du coup ... le coloc italien qui part, le coloc lillois, et toi maintenant ... Je suis relou ??
- Euhhh MAIS NON voyons pourquoi tu dis ça ??
Et c'est comme ça que je n'ai rien dit. Je suis pas capable d'être méchante avec quelqu'un de triste ou de victimisé, j'trouve ça injuste ! Pourtant j'aurais pu lui en dire des trucs, j'avais même répeter toute seule chez moi (oui bon faut bien exprimer sa colère !)
Il m'a aidé à remonter le lit, il m'a aidé à étendre les draps, il m'a même offert des surimis avec du fromage et un yaourt au chocolat. Moi j'lui ai roulé une cigarette. Et puis j'ai dit que j'allais y aller.
Il a ponctué par un "j'aurais bien aimé savoir comment tu embrasses" et tout de suite après par un "bon bah, j'te rends la caution mais j'enlève ce que tu me dois de loyer hein".
J'ai rien dit.
Mais quel ABRUTI ce Calimero !!!
Vendredi
Quai de Seine.
C'était l'anniversaire d'un ami du collège, un pote bi à qui j'avais offert un string juste avant son premier rapport homosexuel (oui on était proche, j'ai même eu le droit à un rapport détaillé par la suite, croustillant).
Bon aujourd'hui on est pu autant ami, voire pu du tout d'ailleurs, mais on s'aime bien quand même.
Y'avait ma petite Milie.
Je l'adore vraiment en fait.
Moi qui pensait que notre amitié allait s'éteindre tout doucement, c'est peut-être pas sûr.
Parce qu'en ce moment je fais beaucoup de tri dans ma vie, dans mes amis, ça me permet de me recentrer un peu.
Ce soir là, après avoir pas mal discuté et m'avoir obligé à rester jusqu'à 2h du matin, elle m'a pris dans ses bras doucement et elle a dit "ce qui est trop bien avec Aphone, c'est qu'elle est toujours très agréable ! Mais si regarde, t'es toujours contente, toujours souriante, tu te plains jamais !", et ça m'a fait plaisir, ce compliment inatendu.
J'suis rentrée sur mes rollers avec Th, un peu bourrée (mais stable quand même), toute souriante, et j'ai déclaré à Th que j'étais très contente qu'on soit ami, que c'était la première fois que j'étais amie avec un ex. Une amitié sans ambiguité, sans complexe, simple. Et pourtant, j'lui en ai fait voir, à ce pauvre Th, pendant qu'on sortait ensemble ! Alors, bon, c'est un peu un miracle qu'il m'apprécie toujours !
Samedi
J'me suis réveillée toute excitée.
Today is THE day !
MA journée ! La journée que je ne loupe sous aucun prétexte depuis mes 15 ans.
Depuis ma première gaypride.
J'aime ce monde, cet univers, où reigne toute cette liberté sexuelle, cette joie, où tout le monde s'accepte, où les trans' sont pris en photo par des tas de gens éblouis.
C'est comme une douce parenthèse, avant le retour à la vie, pas toujours très tolérante.
J'ai pas voulu me prendre la tête pour l'habillage, j'avais simplement enfilé mon jeans et mon débardeur rose flashy. J'avais ressortir mon bracelet aux couleurs de l'arc-en-ciel, et mon sifflet rose.
Ready to dance !
Un ancien coloc devait passer en fin de matiné pour reprendre des affaires, et moi je devais lui ouvrir.
Je l'ai accueuilli avec un grand sourire !
Il avait un accent quebecois (mon dieu j'adore cet accent), et un super piercing comme je rêve d'en avoir un à l'oreille (tu sais une barre qui traverse l'oreille d'un bout à l'autre, en haut).
Il était over-cool, il m'a dit qu'il revenait d'un voyage en Europe, il avait juste un sac à dos et une caméra.
Wahhh ! J'aurais bien voulu papoter mais la gaypride m'attendait.
RDV avec Nana, ma pote qui s'est faite tatouée l'autre jour.
On a rejoint Tigroo et quelques amis à elle. Th était là aussi.
J'étais contente, j'aime pas qu'on soit trop nombreux, on se perd facilement après et on passe des heures à se chercher.
La chaleur était écrasante. Il m'a fallu quelques minutes pour me mettre dans l'ambiance techno et tube des années 80, mais après j'étais lancée, mon appareil photo à la main.
J'ai pas tellement inové comparé à celle de l'an dernier : je me suis encore retrouvée en soutif, une bière dans la main, une clope dans l'autre, en priant pour ne pas être dans le champs de vision des caméras (histoire d'éviter de passer à JT de 20h, que ma grand-mère regarde attentivement tous les soirs).
Th s'est retrouvé torse nu lui aussi.
Si bien qu'on s'est chopé d'énorme coups de soleil, et que j'ai maintenant une magnifique marque de mon sac en travers du dos.
Top classe.
Des mecs relous m'ont emmerdé pendant un moment en me touchant les fesses, Nana m'a protégé en retorquant que j'étais lesbienne (argument facile, mais pendant une gaypride, ça marche bien), ils ont pas trop insisté, et moi, bière aidant, j'm'en foutais un peu complètement. Je plane pendant la gaypride, c'est tellement festif.
Par contre, mon pote homo n'avait pas pu venir l'après-midi : il a préféré aller faire des big mac, parce que ça rapport des sous.
Pfffffffffff.
Heureusement il m'a rejoint plus tard, après mon comatage dans l'herbe et mes longues minutes à me foutre du lait hydratant sur mes épaules rouge vif.
J'avais à peine désaoulé qu'on se remettait à boire. On a joué de la guitare dans le métro, (enfin on a hurlé sur 3 accords), on a marché jusqu'au quai de Seine, où là, beaucoup trop bourrée, j'ai commencé à raconter ma vie sexuelle à des inconnus, affirmant que mon meilleur amant était mon vibromasseur fluo, et racontant ma première relation homosexuelle. Une fille m'a filmé, elle disait "nan mais ça m'interresse je fais un blog sur les lesbiennes", ah, et mon pote homo me hurlait dessus pour que j'arrête de dire des conneries, et m'a fait la moral sur le trajet du retour. "Tu te souviens que t'as demandé à un mec s'il voulait pas une blowjob contre un verre de vin rouge ??" euh non. Quand il m'a abandonné à 3 stations de métro de chez moi, j'ai commencé à joué de la guitare toute seule, et un vieux mec tout dégueu m'a abordé, il voulait que j'lui donne des cours, trop crédible le mec, vu mon niveau de gratteuse, je pense qu'il voulait surtout des cours de fesses. Mais bon, ça m'apprendra à jouer de la guitare bourrée dans le dernier métro.
Dimanche
Journée coup de blues, journée gueule de bois.
J'ai mis des heures à évacuer tout l'alcool.
Allongée sur le lit, les pieds contre le mur. Prendre des dolipranes et attendre que le mal s'évapore.
J'ai regardé des tonnes de films en streaming, c'était là ma seule et unique motivation. Et puis aller me faire de la semoule sucrée au lait dans la cuisine. Au risque de vomir sur une coloc par inadvertance.
Lundi
Journée avec ma petite Princesse de 11 ans, et sa cops.
Après avoir passé 10h (dieu seul sait combien c'est long quand il fait si chaud) à faire en sorte qu'elle soit contente (j'leur ai même appris à monter l'escalator sur la rampe comme Mary Poppins, c'est dire si j'suis pas une chieuse), 15 minutes avant que je parte, elle se met à pleurer (à brailler plutôt), comme quoi Paris ça pue, que la campagne ça pue la bouse de vache, et qu'elle a envie de partir en Estonie ou bien quelque part loin dans le monde. J'avais envie de lui dire que moi, les petites bourgeoises qui boivent du champagne, ça m'énerve, mais bon, je sais pas si elle a trop conscience de tout ça. Bref, je suis rentrée, complètement lessivée, et énervée, car en plus, SFR m'a encore coupé ma ligne, ce qui m'ennuie profondément. Grrrr.
Le soir il faisait trop chaud, beaucoup trop chaud. Dans un dernier effort, je me suis trainée sur mon balcon, presque nue (bonjour les voisins), et j'me suis allongée là, avec ma couette et mon oreiller. J'ai vu Cassiopée, et puis l'étoile du berger au loin, j'étais contente. Bon pour le reste faut avoir un peu d'imagination, parce qu'on voit pas beaucoup d'étoiles de Paris quand même, j'vais pas vous mentir. Je me suis endormie là, et le lendemain soir aussi. J'adore ce balcon. J'écris de mon balcon, je joue de la guitare de mon balcon. Il est trop funky.
Bon là je dois aller chez Mamie.
J'essaye d'écrire mais je manque cruellement de temps, grrrrrrrrr !
