... et de mélancolie aussi.

J'ai la tête pleine de joie et de projets, tout me semble couleur rose et j'ai le sourire aux lèvres, comme une euphorie, une force intérieure venant de nul part, et puis bouger, reprendre vie, passer l'aspirateur car ça me fascine de passer l'aspirateur (j'en ai jamais eu !), ranger notre nid d'amoureux, slalomer entre les feuilles de cours éparpillés sur la moquette, lui et ses calculs, moi et mes lettres, slalomer entre les fringues jetés n'importe où, entre les fils électriques, l'attendre, lire le manga d'amour que j'ai piqué à Ryne hier soir, le dévorer et m'arrêter de force, penser à mon futur voyage au Brésil, le soleil, la plage, les langues latines si douces, regarder les billets d'avion sur Liligo, rêver, rêver, prendre un coucher de soleil en photo, être bien, penser au permis de conduire et vouloir l'avoir au plus vite, partir sur les routes, emmener ma grand-mère au bord de l'eau, emmener mon père aussi, mes petits frères, respirer l'odeur des arbres dans la nuit, comme hier en rentrant de la soirée crêpes chez Ryne, admirer les horizons, toucher l'air du bout des doigts, me tromper de route, éclater de rire juste comme ça, le serrer fort dans mes bras, m'arrêter sur ses yeux, aimer son sourire, l'aimer tout court, je sais même plus pourquoi, habiter à Paris ensembre, faire de la mob sur les quais de Seine (jusqu'à ce qu'on me la vole hihi), voir mes amis, sautiller dans le métro, pourquoi pas, trouver un travail et puis partir encore, je déborde tellement de joie soudain.

Et puis recevoir un mail de mon père, un mail couleur chagrin, avec un fond musical triste, couleur solitude, couleur désespoir, lire qu'il pleure le soir, rester calme, lui écrire que la vie est belle, lui écrire des lignes et des lignes couleur bleu, le coeur un peu lourd maintenant, penser à ma famille, faire le point, penser à ma mère qui boit trop et qui ne m'écoute plus quand je remue les lèvres, regretter le dialogue mère-fille qu'on aura jamais, cette impression de jouer à la psy ou au silence depuis toujours, mais l'aimer tout de même, penser aussi à ma grand-mère, seule, "veuve", voilà que ce mot fait maintenant parti de moi, image froide, penser à mon grand-frère qui ne m'appelle que pour savoir si je ne suis pas trop triste pour Papy, mon frère qui me fait tellement rire, et ce dialogue frère-soeur qu'on aura surement jamais, pourquoi, distance, silence, pourquoi on parle jamais dans cette famille, pourquoi j'ai appris à déchiffrer les silences par coeur, pourquoi tu crois que mon pseudo c'est Aphone hein, pourquoi mes mots se bloquent toujours dans la gorge, pourquoi je ne dis jamais "je t'aime" à mon père, pourquoi il ne m'appelle jamais, pourquoi on sait pas se servir du téléphone, j'en sais rien, c'est juste comme ça.

Je vais bientôt avoir 20 ans.
(D'ailleurs j'fais une teuf tu veux v'nir ?)

Bientôt 20 ans de vie derrière moi, 20 ans passé à me murmurer qu'un jour je vivrais enfin seule, qu'un jour mes problèmes familiaux n'en seront plus, mais je me suis trompée, ma famille est toujours là, au creux de mon coeur, dans un texto ou dans un mail, dans un enveloppe ou sur une photo collée au mur, encore plus présente qu'avant peut-être, mon grand-père en noir et blanc sur la photo de mariage, mes pleurs du soir, mes pensées en forme de cercueil, tout ça on a beau s'en aller vivre loin, fuir, c'est bien ancré dans le tiroir chagrin de mon cerveau, ça finira peut-être par se transformer en cocon ou même en papillon, ce souvenir lent et triste, je ne sais pas trop, c'est pas comme si j'étais rodée.

Je vais bientôt avoir 20 ans.
(Sois pas pressée, c'est dans plus d'un mois).

Comment j'imaginais ma vie avant, un coin tranquille, une maison de rêve, le futur prénom de mon futur enfant, un peu d'argent.
C'était un peu ça ma vision du bonheur quand j'ai eu 12 ans, quand j'ai compris que j'aurais jamais de pouvoir magique ou de meilleur ami loup-garou, j'ai imaginé une vie simple, avec le seul but de n'avoir jamais toutes les galères qu'ont eu mes parents, si bien que j'ai beaucoup trop changé, cette impression de m'être éloignée de ceux qui m'ont fait, d'avoir pris une autre direction, un chemin plus glorieux, de les abandonner malgré moi, d'entrer dans un autre monde, de ceux qui ne font pas du stop la nuit mais qui prennent des taxis, de ceux qui ont toujours un frigo rempli de produit bio, de ceux qui ont des murs en forme de bibliothèque, de ceux qui aiment forcément les tableaux d'art et les musées, de ceux qui vont à la campagne dans une chouette voiture qui pue pas la clope le weekend, et qu'on même pas une seule panne d'essence parce qu'ils ont bien pensé à faire le plein avant de partir.

Je ne me plaindrais jamais assez de ma famille, de ces 2 parents fragiles qu'on m'a filé, qui ne font que des bêtises, qui se détestent comme des enfants, qui sont tellement fiers de la fille qu'ils ont fabriqué un jour, un peu par accident, pour voir, pour faire quelque chose de leur vie, sans vraiment savoir quoi en faire après. Et maintenant j'ai tellement besoin d'être protégée.

- J'ai toujours eu une raie au milieu, j'ai essayé plein de fois de faire autre chose, mais j'y arrive pas, je préfère comme ça.
- Tu sais que la raie au milieu reflète un besoin d'équilibre ?
- Euh non je savais pas.
- Pourtant ça te ressemble, tu recherches toujours des choses stables, comme si t'en avais pas eu.

Je vais bientôt avoir 20 ans, j'ai des envies de Brésil, une musique triste dans les écouteurs, un père seul dans un studio parisien (personne veut l'épouser ??? Y'a pas plus gentil garçon que mon Papa), des exams à réviser pour de faux, un avenir à bâtir, seule, des tonnes de choix à faire.

Mais pour le moment je préfère danser devant la glace, avec mes écouteurs, fermer les yeux, rassembler toute mon énergie et balayer ces vilaines pensées-chagrin, penser soleil, penser amour, penser partage.

Et puis je vais aller acheter une cage plus grande pour Pompom avant qu'il devienne complètement taré ^^
(Ouai Anarph c'est vieux st'histoire, mais il me fait trop rire ton dessin !)



Des bisous à tous !