Je suis restée longtemps, perchée dans la mezzanine.

Me rends compte que je ne sais plus vraiment parler d'amour.
Ou seulement une impression.
Quand mon coeur s'affole et que je ne trouve plus les mots.

J'ai eu peur.

Est-ce qu'il va m'en vouloir d'avoir frappé son neuveu ?
Est-ce qu'il a prévu de rompre ?
Est-ce qu'il va au moins venir me parler ?

Je suis triste.

Je descends prendre un petit déjeuner.
Et si le Nutella était la solution à tout ?

Texto de maman.
"Coucou ma chérie, je suis amoureuse depuis 5 jours ! Du voisin ! Maintenant j'ai un mari et un amant ! lol"

...

"Et toi avec ton chéri ? C'est quand que tu me le présentes ??
- peut-être pas tout de suite, je me suis battue avec son neuveu hier".

Je soupire.
Bois mon bol de lait cul-sec et retourne dans ma mezzanine.
J'allume la télé.
Je zappe toutes les chaines.
 Oh, Winnie L'ourson en Néerlandais.

Porte qui s'ouvre.
Bruit dans la cuisine.
Bruit du micro-onde qui tourne.
Bruit de la porte qui a claqué derrière lui.

Coeur qui bat très fort.

Il est énervé.
Il ne viendra pas.
Il ne voudra pas me parler.
Il ne voudra pas m'entendre.
Il m'aime encore ?

Je demande des conseils sur MSN.
Anarph me dit de l'appeler.
Je n'ose pas, j'ai les mots bloqués dans le ventre.

Texto.
"Lio tu fais quoi ?"

Pas de réponse.
Il est 16h.

Je vais aux toilettes.
J'entends sa voix en bas.
Il est ici.
Je m'imagine qu'il parle à sa mère.

Je tends l'oreille.
Non, il est au téléphone.
J'essaye d'écouter ce qu'il dit.
Il parle d'hier soir.
Il a l'air remonté.

Je reste sur la cuvette des toilettes un moment, à essayer d'attraper quelques mots.
J'envoie un texto à Ryne.
Décide de retourner dans la mezzanine.
J'ai l'air cruche sur le trône.

Il rentre peu de temps après.
Je retiens mon souffle.
Il s'approche de la mezzanine, s'accroche à l'échelle et se retrouve tout près de moi en quelques secondes.
Je ne bouge pas d'un cil.

Il me dit "bonjour".
Bonjour comme quand il me le murmure à l'oreille chaque matin.
Son bonjour à lui, particulier, qui me fait sourire.
Sauf que ce bonjour là, il est plus sévère.
Je regrette son bonjour du matin.

Il se roule une clope tout en parlant.
De la soirée d'hier, de ce qu'il pense, des questions qu'il se pose.
Il soupire.
Je ne bouge pas, je respire à peine, je l'écoute, sans regarder.
Ses mots me font du bien mais je reste comme enveloppée d'une frayeur.

Jusqu'à ce qu'il vienne s'allonger près de moi.
Il a posé sa main sur la mienne.
J'ai fermé les yeux.
Juste histoire de savourer.

Et puis je me jette dans ses bras.
Une main sur sa nuque, dans ses cheveux, une main qui sert fort, une main en manque de lui.
Mes jambes qui courent entre les siennes, qui s'enroulent, qui se réchauffent.
Mon corps au creux du sien.
C'est chez moi ici.

***

"Je vais aider ma mère à transporter les meubles de cuisine et on va boire une bière en Belgique, ok ?"

Oui, mille fois oui.

Je monte dans sa voiture.
On discute, on rit, on commente.
Il a sa main posée sur ma cuisse, toujours, cette façon de me carresser, cette façon de me dire je t'aime avec sa paume.

Ce soir il y a un concours de pétanque.
Des gens déguisés qui font de la trompette et qui dansent.
La chance.

-On est quel jour ?
- Le 7.

Il s'arrête, me serre la main, m'embrasse.

On s'accoude à un comptoir.
Les bières ne tardent pas à nous rejoindre.
On a trinqué pour nos 3 mois.

Et tous les mots échangés, tous mes sourires niais, tous ces projets d'avenirs à deux, incassables, solide comme des briques, l'humidité au bord de ses yeux, l'amour qui dégouline jusqu'au serveur derrière le comptoir, les mains qui ne se lachent plus, la bulle qui nous isole du reste du monde, ça pue l'amour d'ailleurs, faudrait penser à aérer.

***

Ca te dit qu'on regarde un film ?

Je lance Les Greemlins.
Ce film, il me fait rire comme si j'avais 7 ans.
Je m'endors avant la fin, lovée dans ses bras.
Trop d'émotion pour aujourd'hui, les yeux se ferment tout seul.

C'est bizarre comme j'ai peur de le perdre.
Comme je passe mon temps à lui faire plaisir.
Comme je ne me lasse jamais de passer des heures avec lui.
Comme je suis bien chez lui.

Mais j'ai dit que je ne parlerai pas.
J'ai dit que je ne ferai pas de comparaisons.
J'ai dit que je laisserai le temps au temps.

Donc pour parler de choses concrètes, je suis heureuse de vous apprendre que je suis fraichement propriètaire d'une mobylette !

Et pas n'importe quelle mobylette.
Une mobylette JAUNE !
Une mobylette LA POSTE !

Je l'ai eu dans un machin de ventes aux enchères.
Pour pas cher du tout.
Il y en avait une 50aine.

Mais je n'ai jamais fait de mobylette.
Ni de moto en fait.

Je sais faire du vélo.
Et du roller.
Et puis de la luge.

...
Je pense qu'il va falloir que je m'entraine.