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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Hystérie du lundi
Hystérique, je suis complètement hystérique !
Aaaaaaaaaah !
Bon, du calme.
Tout va bien.
Qu'est-ce qui s'passe hein !??
Ok, je fais le point.
Ce matin le ciel était incroyablement lumineux, et bleu en plus.
Je m'étais endormie à l'aube, je n'avais pas baissé le store, la lumière m'a vite ouvert les yeux.
Et puis j'avais trop super faim.
J'ai sautillé jusqu'à la cuisine, hop, un bol, du lait, un micro-onde, des céréales au chocolat, mmmmmmmmmmmh miam !
Le petit déj, quel bonheur !
Et puis hop, ma chambre, de la musique, ma guitare, des nouveaux accords, Killing me softly, tellement agréable cette chansons dans la gorge, je la joue, encore et encore, en boucle (et je plains ma coloc, dans la chambre d'à côté, qui ne porte peut-être pas le même amour que moi pour les ooooooh et les laaaaaaaa-lalalalala)
Em Am
Strumming my pain with his fingers
D7 G
Singing my life with his words
Em A
Killing me softly with his song
D C
Killing me softly with his song
G C
Telling my whole life with his words
Fmaj7 Fmaj7 E
Killing me softly with his song
Je sautille jusqu'à ma douche, youuuuuuuuuuuh, toujours chantante, je fais couler un bain, chaleur, douceur sur ma peau, mon corps qui se prélasse, j'aime cette matinée, j'aime ce lundi, j'aime le lundi parce que demain c'est mardi, ahah, je souris, je ris, je suis infernale, et STUPIDE, aaaaaaaaaaaaaah.
Et dire que demain, quand je le verrai, j'oserai à peine lui sourire, à peine le défier du regard, une vraie lopette, une gamine même pas pubère, timide jusqu'à en avoir les joues roses et le coeur en fête, ça ne rime à rien tout ça, il faut que j'aille lui parler à la fin du cours, il faut agir Aphone, IL FAUT AGIR.
Oui enfin bon, pour l'instant, c'est lundi, et je suis toujours à poil dans mon bain avec du savon partout, hein.
J'essaye de me calmer, relativiser, penser à autre chose.
Hop, ma chambre, je sautille, mhhhhhhhh comment je vais m'habiller aujourd'hui ?? je râle parce que j'ai vraiment pas beaucoup de vêtements, c'est pas possible ça, je suis pas une vraie fille, c'est pas avec 2 pantalons et 5 paires de chaussettes que j'vais agir moua !
Bon allez tant pis, encore le même jeans, niveau pull aussi c'est la misère (est-ce que le prof blond aime les filles qui s'habille simplement ? ou est-ce qu'il aime les filles coquettes ? est-ce qu'il s'en fout complètement ? peut-être qu'il est gay, non impossible, bissexuel si il veut, j'm'en fous ! est-ce qu'il est amoureux ? est-ce que ça fait longtemps qu'il n'a pas fait l'amour ? aaaaaaaaaaaaaaaah !)
Hum ok, c'est bon, j'suis habillée.
Et si j'bossais un peu ?
Impossible de me concentrer, impossible de rester sérieuse.
Je me balade un peu sur internet en attendant mes cours.
Et puis c'est l'heure et je suis en retard (pour changeeeeeeeeer)
Vite, mes rollers, mon sac, un manteau, je suis dehors, il fait vraiment beau, mais pas assez doux, j'aime mieux quand il fait doux, enfin ça va, et je plane, je chante entre les piétons, je suis super turbo, super sonic, catwoman sur des roulettes, wouuuuuuuuuuuuh !
Bref.
J'arrive en linguistique, en sueur, et en retard.
Y'a pu d'place au fond.
Nul.
Et puis j'l'aime pas cette prof, elle est pas très passionnante, elle dicte son cours, j'aimais mieux le vieux d'avant, il était trop funky avec ses histoires de chiens qui tombent du ciel, c'était trop cool.
Et puis j'suis associable comme fille, j'parle à personne en classe (sauf à ma pote de cours, bon).
J'aime pas les gens.
J'suis dark moua.
Ahaha.
Non mais c'est vrai, j'ai un vrai problème avec le relationnel c'est pas possible, j'ai pleins de super tactiques pour empêcher quelqu'un de venir me taper la discussion, j'esquive les nouveaux amis comme Néo esquive les balles dans Matrix (classe) (hum) (c'est qui qui va finir tout seule dévorée par les mouches ?)
Heureusement, le cours dure seulement 2h, au lieu de 3 (et c'est pas moi qui vais taper un scandale comme quoi les étudiants c'est des glandeurs, on veut nos 3h de linguistique halte à la dictature) (non non non).
Je sautille jusqu'à la bibliothèque, j'prends pleins de bouquins pour la futur dissert à rendre après les vacances, genre hyper sérieuse (et pas crédible du tout).
Et puis c'est déjà l'heure de mon cours de chant, 20h, j'suis toute seule, les deux autres filles sont pas là, on se met au piano avec mon prof, trop funky, depuis quelques cours on a pris cette habitude de jouer et de chanter en même temps, j'adore, j'aime, je surkiffe, il me propose une nouvelle chanson, Blue Moon, c'est beau, ça m'emballe grave, je ris, il se marre de me voir hystérique, mais il n'oublie pas de me reprendre sur mon anglais pourri (quoi j'ai un accent de MARDE ! J'y peux rien si l'anglais c'est moche) (pardon peuple anglais).
Blue moon
Lalalalala
La petite djeuns qui ressemble à Vanessa Paradis pousse la porte entre deux notes.
Chouette, j'aime regarder les autre chanter ! Je vais m'assoir.
Elle fait love for sale, je ne connaissais pas, c'est beau, super beau, je frappe le rythme du pied, je retiens mes rires, ma joie, mon envie de laisser sortir toute l'énergie que j'ai en moi.
21h, on sort, je dis au revoir à ma compagne de chant, mais elle embraye une discussion, je sens qu'elle veut nouer quelque chose avec moi, elle me pose des questions, ça m'amuse, on reste ensemble alors, pendant 3 quart d'heure là sur le trottoir, la nuit est tombée, on rit, elle est mimi, y'a ses yeux qui brillent et des sourires plein son visage, et je la laisse tisser des liens entre elle et moi, elle m'a eu, on échange nos numéros, elle me dit "tu m'tiendras au courant pour ton prof !", je ris, j'embrasse ses joues, on se quitte, j'ai des fou-rires encore plein la tête, des mots à elle dans le coeur et une nouvelle chanson à chanter sur mes rollers.
Finalement, relationnellement parlant, je ne suis peut-être pas complètement perdue.
Blue moon
Lalalalalalala
Chez moi il fait calme, je ne fais pas de bruit, (hum, ou si peu) j'enlève mes rollers, me fais une soupe, mmmmmiam, j'ai chaud, je chante avec mon fouet de cuisine dans la main, une autre chanson me vient en tête, vite, je change de mélodie.
Ain't no sunshine when she's gone.
It's not warm when she's away
Ain't no sunshine when she's gone
and she's always gone too long
anytime she goes away
Mais là je commence à me dire qu'il faut que j'arrête de vivre comme si j'étais en pleine comédie musicale.
Surtout qu'il est 23h, et que j'ai toujours pas fait installer une prise casque sur mes cordes vocales (bordel, à quoi ça sert d'être en 2010 j'vous l'demande).
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah.
Et demain c'est mardi.
Demain je vois mon prof blond, mon prof qui plane dans le 17ème, mon prof que j'attends de voir 5 jours sur 7 (arg).
Ok, c'est sûrement pour ça que je suis hystérique.
Bon alors là, c'est le moment où faut que j'imagine le pire.
Aloooooooooooors, demain :
- Il va nous rendre les dissertations et je vais avoir une note horrible, ce qui va totalement foirer mes chances de me rapprocher de lui (et en plus ça va me flinguer mon semestre)
- Il va esquiver mon regard pendant les 2h, comme si j'avais jamais existé (il la déjà fait une fois, arg, j'suis sûre qu'il la fait exprès, d'habitude il croise toujours mon regard plusieurs fois)
- Il va me poser une question hyper sauvage sur le 17e et je saurai pas quoi répondre, j'vais devenir toute rouge et j'aurai envie d'aller m'enterrer dans le désert africain.
- Je vais aller lui parler à la fin du cours, je vais lui poser une question trop débile, il répondra vite fait et il va ponctuer par un "désolé faut vraiment que j'me dépêche, y'a ma copine qui m'attend à la maison".
Bref, le pire est imaginé, ça y est, c'est bon, Mardi, tu peux te pointer, je suis prête.
Oh mein gott j'ai peur.
