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Les mots sans le son


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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Mais pourquoi tu ris ?

L'homme souffre si profondément qu'il a du inventer le rire.

(Nietzsche)

Petite, je vivais dans une bulle de rêve.
J'étais une catwoman avec des ailes et je pouvais faire le tour du monde en une seule nuit.
Douce imagination.
Magique solitude où le temps passait alors que j'étais dans l'immensité du ciel. Loin.

Jeune fille, j'ai découvert l'humour.
Il m'a apporté des amis, de l'affection en masse.
Je faisais rire.
Moi le petit clown, l'extraterrestre rigolo, la hippie avec une frange, la fille cool et toujours de bonne humeur, peaaaaace.
Je m'enivrais du bonheur d'être aimée, et j'aimais à tout allure. Loin.

Adolescente, j'ai perdu l'humour.
Les amis se sont éloignés, envolés avec mon innocence.
Les jours passaient sur moi et j'étais vide.
J'ai pris une feuille un crayon vite dans le noir, j'ai commencé à écrire.
Cher journal, je vais mal.
J'avais découvert l'écriture. Là.

Jeune femme j'ai retrouvé l'humour, les amis en masse.
Et j'ai grandi.
Les nuits blanches, les amours, s'enivrer, se construire, quitter papa, être majeure.
J'ai marié l'humour à l'écriture et je l'ai offert. Ici.

J'ai promis de ne plus jamais quitter l'humour.

Pourtant aujourd'hui encore, je le perds. J'ai l'impression... Je suis grave, je suis sérieuse, je réfléchis sur le sens profond de chaque mot, attends un peu mhhhhh l'étymologie de carton qu'est-ce que ça peut bien être ... ah c'était une blague ?

Tout comprendre, tout savoir, tout analyser, ça n'est pas drôle pourquoi tu ris ? c'est important tu sais... Il faut y penser sérieusement !

Où est passé ma légèreté  ?

Pourtant je m'amuse, c'est vrai.

Il y a eu le samedi soir, après le nouvel an, "parce qu'on va pas se laisser abattre hein !", et c'est reparti, et j'ai rejoins Tigroo encore.
Elle me donne l'adresse d'un grand appartement.
J'avance dans le soir en souriant.

- Bon'soir m'sieur

Je tends une bouteille de bière au monsieur, un billet, oups, je fais tomber la monnaie.

- Une jolie fille comme vous est forcément riche !


Je souris, gênée, euh bof en fait.
Sa phrase est idiote et je ne ris pas.
Il ramasse ma monnaie, un billet de 5 en plus qui était par terre.

- Merci aur'voir m'sieur !

Je sors vite.
Je sautille.
5 euros hihi.

Tigroo s'avance vers moi de son pas félin, sourire ami, je suis bien.
Il y a des gens de l'autre soirée, j'en reconnais vaguement un ou deux.
Je dis des bétises qui font rire, j'écoute les bétises des autres, tout est loin et léger.
Les photos, les grimaces, les fou-rires ...

Pourquoi je n'arrive pas à raconter ?

J'ai perdu l'humour, quelque part il s'est endormi, sûrement, il se repose, laisse-le tu vois bien qu'il dort.
Ne le brusque pas.

Et puis il y a eu cette soirée, un samedi soir aussi, et mon envie débordante d'être en vie, avec mes amis, de danser et d'hurler.
Joie comprimée dans mon ventre, dans mes poumons, ça va sortir, je hurle, je ris, chatouille au fond du ventre, c'est tellement bon.
Ce bar qu'on aime bien, mon bar gay préféré.
Mon pote homo qui me fait un grand signe de la main, je ne vois que lui au milieu de tous, il agite ses bras comme pour l'atterissage d'un avion, je ris.
Il y a sa cop qui aime les filles mais qui n'est pas avec sa copine ce soir.
Et Tigroo qui arrive presque aussitôt avec des copines.
C'est coloré ce bar, j'aime, c'est familier aussi, et les amis, c'est tellement bon.
On va dans une salle du bas, c'est chouette, y'a d'la place, je paye une pinte à Tigroo, "j'te dois bien ça !", et puis une deuxième, et puis une troisième, euh, pourquoi j'ai envie qu'elle soit bourrée ?
Elle est toujours aussi belle, Tigroo, et ses grands yeux, et ses cheveux qui ondulent dans son dos, et je me rappelle trop bien de sa nuque, de sa peau. Je divague, j'ai vois trouble, oups les petites bulles.

- Mais t'es gayyyyyyy Aphone, j'te dis que t'es trop gayyyyyy, t'as vu comment tu la regardes, t'es pas comme ça avec les garçons

Raaaaah mais qu'est-ce qu'il en sait luiiiiii, et je doute comme une folle, et je me sens bien dans ce bar lesbien, et la serveuse qui m'appelle "ma jolie", et Miky qui me pince les hanches par derrière, "encore toi !", elle est toujours aussi mimi, et je me souviens de cette nuit il y a un an, trop tard elle est partie, trop occupée à chasser les numéros de téléphone, petite Miky.

Et je hurle des conneries pour faire rire Tigroo, et les gens qui se retournent sur nous, oui oui j'assume, pire : je braye plus fort.

- T'es bourrée Aphone !
- Meuuuuuuuuh nooooooooooooooon pourquoi tu dis ça voyons, je sais quand-même où sont mes limites (hum) et tu peux parler toi hein, tu vas encore REPEINDRE LES CHIOTTES DE TA MERE EN RENTRANT HEIN !!!

Les gens qui se retournent sur nous, hum, B'SWAAAR !
Et Tigroo qui veut aller danser, alors on danse, et je danse tout contre elle, je suis bien près d'elle, et puis je braye "Pipiiiiiiiiiiiiiii !!! URGENCE !!!" et je fonce vers les toilettes, youpiiiiiiiiiiiii, hum, ça soulage, oups je tange un peu, c'est bon, j'ouvre la porte du chiotte brusquement, je regarde les filles qui font la queue et je crie NEEEEEEXT !!!, puis je me rends compte et je dis "pardon ...", et je sors, vite.

- Nan, t'as pas fait ça quand-même ????
- Siiiii, j'suis trop stupide !!!
- TROP !!!


Je ris je ris je ris. Je m'en fous. J'ai retrouvé l'humour, on s'envole à deux au dessus de tout, loin de la folie des mères et de la douleur des frères, loin loin loin, au dessus des souvenirs du passé et des craintes pour l'avenir, trop loin pour tout ça.

Et je paume mon écharpe mais j'ai trop bu pour la chercher, et je ne devrais pas être si affecteuse avec Tigroo mais j'ai trop bu pour y penser, c'est tellement bon.
Et je pars pour le dernier métro, pour chasser Tigroo de mon paysage, pour me rappeler du dessinateur, pour marcher doucement dans la neige et faire craquer les flocons sous les chaussures, il fait froid, j'ai chaud, je m'endors nue dans mon lit avec des douces chatouilles dans le ventre.

Au matin, recueuillir les pensées dans le silence de l'écriture, sérieuse, l'odeur du thé près du lit.
Nourrir ma soif de livres. Daniel Pennac, et je serre son troisième roman lu contre moi, riche de ses mots à lui qui virevoltent dans ma tête, "Encore ! Encore !", et j'ai hâte du prochain qui m'attend à la bibliothèque, vite, encore.
Chaque jour je me nourris de connaissance et chaque jour je me sens plus ignorante que jamais. Plus assoiffée encore.

Puis rire avec les coloc', leur faire peur sans faire exprès chaque fois que je marche trop doucement dans l'appart', "on dirait un petit fantôme !", oups, poser une assiète et coller un post-it dessus : FREE CREPES, sourire, et partir rejoindre Mamie pour des moments à deux, le RER, le bus, la neige, ma main sur la neige, ça y est je la trouve belle -enfin !- et je dis "c'est beau toute cette neige dans le jardin !", elle est d'accord, et s'endormir, quelques heures seulement, puisque je ne dors plus ces temps-ci, comme pour rattraper le temps passé avec la tristesse, parce que j'ai des envies de vivre qui sont plus fortes que la fatigue, même si je plane un peu dans mes journées, j'ai retrouvé l'humour et je souris.

Et le lendemain, prendre la voiture, conduire sans crainte, conduire tranquillement, aller en cours, me sentir triste soudain et douter à nouveau, douter de l'humour, à cause de Romain Gary qui disait s'en servir contre tout, mais qui s'est suicidé pourtant, Romain Gary que j'aime tant, ses phrases qui restent gravées en moi, mais qu'est-ce que je dois faire alors, est-ce que je dois rire ou est-ce que je dois pleurer, et je repense toujours à cette phrase d'une ancienne prof de français, celle qui m'a fait aimer les livres, j'étais jeune et je l'ai écouté elle aussi, je l'ai absorbé et j'ai obéi, c'était des certitudes, rire de tout pour ne pas en pleurer, s'accrocher à cette phrase et la graver au fond du cerveau, et tout ça pour entendre ces mots un jour "mais pourquoi tu ris, c'est triste ce que tu dis", mince, pourquoi je ris ? pour ne pas pleurer voyons, c'est Romain qui l'a dit, Romain qui s'est suicidé pourtant.

Et puis voir cette prof, celle qui rit trop, beaucoup trop, presque à chaque fin de phrase, celle qui a du sûrement beaucoup souffrir pour être aussi grosse maintenant, celle qui me fait de la peine car derrière son visage toujours crispé par les rires, il y a ses yeux d'où émanent une tristesse, une grande tristesse, un passé que sûrement je ne vais jamais connaitre car on ne demande pas ça en levant la main au milieu d'un cours, non, et je repense à mon adolescence, et ces copains qui me disaient "tu ris trop Aphone, c'est drôle, tu ris plus que tu ne souris", et je trouve ça triste d'un coup, tous ces rires-carapaces pour ne rien laisser transparaitre.

Alors je rumine, et je proteste, je refuse l'humour, c'est fini nous deux, tant pis pour les amis perdus, tant mieux pour ceux qui restent, tant pis si je passe plus de temps dans les livres que dans la vie, j'ai soif de mots et je lis à voix haute, pour retenir, parce que c'est par les oreilles que ça rentre, j'ai soif d'écrire et j'ébauche des projets seule en moi-même, mais j'ai soif d'offrir d'un coup, je veux partager tout ça, je veux voir des visages d'enfants qui s'émerveillent, je veux entendre leur rire et voir briller leurs yeux, je ne peux pas garder tous ces mots pour moi, ni tous ces contes prisonniers dans ma tête, ni toutes ces chansons, il faut que ça sorte, il faut que ça vive, que ça prenne forme là en son, je veux du son, je veux des rires, je souris à nouveau.

Et je fonce à mon cours de chant, cette chanson difficile sur un morceau de papier, j'ai du mal avec certains sons, alors on se sert du piano, et on répète les sons en boucle, pour que ça rentre, concentration, et ça rentre, et les mots écrits sur le bout de papier qui prennent vie dans la pièce, qui vibrent, c'est jouissif, c'est trop bon, je ris, on rit avec ma cop du cours, celle qui chante trop bien, on se comprend, on ressent les mêmes vibrations, la même joie, alors je retrouve la légèreté, oui je veux rire, oui je veux chanter, oui c'est bien par là que je vais monsieur.

C'est par là que j'vais.
Avec les mots, avec les sons, avec l'amour.
Avec les doutes et la tristesse parfois.
Avec la joie et les rires souvent.

Pourquoi je ris ?

... Parce que c'est vital m'sieur.
Tout bêtement.
Ecrit par aphone
le Mercredi 13 Janvier 2010
à 02:47



Commentaires :

  ninoutita
13-01-10
à 14:47

Je ris aussi, peut-être trop. Mais c'est bien, ça fait oublier. Ca rend la vie moins "grave".  Mieux vaut rire que pleurer... mais parfois, pleurer est plus efficace, moins éphémère. J'espère qu'on rira jusqu'aux larmes samedi ;)

  aphone
13-01-10
à 18:12

Re:

Attends attends, parle pas trop vite, y'en a sûrement une de nous deux qui va se décommander ... (ahahah)

Non allez on y croit =p

Oui c'est chouette de rire, c'est juste que ça fait oublier provisoirement, c'est dommage =)

Vivement samediiiiiiiii

  ninoutita
13-01-10
à 23:25

Re:

non cette fois, pas de faux plan !

  aphone
14-01-10
à 00:26

Re:

ON Y CROIT !!!



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