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Les mots sans le son


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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
En vie

Jeudi 1er octobre.

14h20.
Le petit espagnol fou vient tout juste de partir, je suis de bonne humeur, hop, je fonce sous la douche.
J'ai RDV avec mon psy.

Mon tél sonne.
Mon frère.
Oh, il va encore me dire "c'est quand qu'tu viens faire un tour sur ma grosse moto ! VROUM VROUM", et moi cette grosse moto, je l'aime pas trop, parce que ça va vite, parce que c'est dangereux, et parce qu'il n'a que 24 ans donc peu d'expérience de la route. 

Bon tant pis, je me dis que je le rappelerai.
Et je pars sous ma douche.

15h.
Finalement j'ai pas envie d'aller voir mon psy.
J'me sens bien, j'ai pas envie de penser à ce qui ne va pas.
Pardon monsieur !
Je m'allonge dans mon lit, un livre dans les mains.

16h.
Mon tél re-sonne.
Encore mon frère.
Pfffff, il insiste aujourd'hui !
Pas envie ...
Je le rappelerai plus tard.

18h.
Un texto.
Mon frère.
Eh beh ! Il est limite LOURD !

Je l'ouvre et je lis les premiers mots

"Je suis à l'hôpital ..."

Oh...
Je reste immobile, dans mon lit.

"... ne m'appelle pas avant demain midi"

Je pose le téléphone.

Et tout se met à flotter autour de moi.

A l'hôpital ? Mon frangin, à l'hosto ... Un accident moto il a dit ... Bon, s'il m'écrit un texto c'est que ça va non ? Mais quand-même ... Il faut que j'aille le voir ... Oui, j'ai envie d'aller le voir ... Hôpital de B... il a dit ...

J'envoie un texto à mon père

"Papa, c'est où l'hôpital Machin-truc... ?"

Il m'envoie l'adresse.
Me demande comment il va.
J'en sais rien.
Je reste silencieuse.

21h.
Sur Internet, sa copine enceinte m'envoie un message.
Je lui demande si je peux aller voir mon frère demain.
Elle me dit oui, elle me donne le numéro de la chambre, et l'étage.
Je n'ose pas demander ce qu'il a.
Peur.

Silencieuse, dans ma chambre.
J'entends mes coloc' qui rient dans la cuisine.
Je regrette de ne pas être allée voir le psy soudain.

22h.
Elles ont quitté la cuisine.
Je vais chercher un peu d'eau.

Ma coloc Corse me croise

- bah, tu es là toi ?

J'acquièce, je lui souris.
Elle me regarde bizarrement, et s'en va.

Elle revient, presque aussitôt.

- Dis, Aphone, ça a pas l'air d'aller fort toi ...

Je force un sourire.
J'ai envie de pleurer.

- Mon frère est à l'hôpital, accident de moto...

Elle ouvre grand les yeux.

- Eh Miss, faut pas rester toute seule dans ces cas-là, on est là nous tu sais, c'est fait pour ça aussi les coloc' ... Il a quoi ton frère ?
- Je sais pas
- Tu l'as pas eu au tel ?
- Non pas vraiment, il m'a juste écrit un texto
- Et tu vas le voir demain ?
- Oui
- Bon, tu me tiens au courant ok ?? Et si ça va pas, tu viens toquer à ma porte !

J'ai envie de me blottir dans ses bras.
Je lui souris.

- Merci !
- T'inquiète, s'il t'a envoyé un texto, c'est que ça va encore
- Voui ...
- T'inquiète pas ... d'accord ? Tu me tiens au courant ?
- Voui ! 
- Bonne nuit Miss
- Bonne nuit !

23h.
Je pense à mon frère.
Je me promets de lui apporter du Crunch demain.
Il aime ça le Crunch.
Il aimera bien ça.
J'en suis sûre.


Vendredi matin.

Je traine au lit, j'angoisse.
13h, il m'appelle, je décroche vite cette fois-ci

- Oui ?
- Salut
- ... Ca va ?
- ... Mhhh
- Oui oui, pardon ...
- ... Ma copine m'a dit que tu voulais passer aujourd'hui ...
- Oui ! 
- ...Tu peux venir si tu veux ...

 Sa voix, sa voix n'a jamais été aussi faible, où sont passés ses graves ?

 - Ok, j'arrive alors, dans une heure je pense, à tout de suite !
- Ok, 'toute ...

J'ai peur, je n'arrive pas à me préparer vite.

Je sors enfin, mais je passe d'abord à la fac, pour avoir la note d'un partiel, ça me parait superficiel d'un coup, les exam', les gens, je heurte des étudiants dans les couloirs, j'ai du mal à marcher, je sors vite de la fac, métro, vite, ligne 14, ligne 13, je sors, c'est où l'hôpital ??, le temps me parait horriblement long, je chausse mes rollers pour aller plus vite, vite, c'est où l'hôpital, je dois aller voir mon frère, je demande, c'est où sa chambre ?, je me perds dans les couloirs, je reviens sur mes pas, c'est oùùùùù, j'essaye de rester souriante, mais je sens l'angoisse qui tire mon sourire vers le bas, et la peur dans les jambes, et enfin j'y suis, dans sa chambre, et je le vois.

Allongé, dans son lit d'hôpital.
Un truc autour du cou.
Des tuyaux pleins les avant-bras.
Le coin de l'oeil violet.
Nu et maigre.
Faible.

Il ne me dit pas bonjour, il dit qu'il a mal, mal mal, qu'il a le droit à une piqure de morphine toutes les 4h, mais que là il attend depuis trop longtemps, il a le visage crispé de douleur, alors je vais chercher une infirmière, vite, et puis je reviens, vite, et c'est dur de le voir comme ça, immobile, d'entendre cette voix si faible, et ses grand yeux tristes qui vont tout au fond des miens, comme pour chercher de l'aide. Je n'ose presque pas parler.

Dans un silence il ouvre sa main, je le regarde, je sens qu'il veut quelque chose, je regarde sa main à nouveau, puis ses yeux, puis sa main, puis ses yeux, incapable de savoir s'il veut ma main ou si je me trompe, et puis j'ai avancé ma main timidement, j'ai glissé mes doigts autour des siens, et il m'a serré fort, et j'ai serré encore plus fort, et il a fermé les yeux.

Et j'ai eu envie de le serrer fort dans mes bras, de lui dire les mots qu'on ose jamais dire, et de le rassurer.
Mais on est resté comme ça, silencieux, quelques secondes.

Et j'ai compris sa peur.
Et j'ai compris que j'avais été stupide de lui apporter du Crunch, parce qu'il pouvait même pas le manger.
Et j'ai eu envie de pleurer.

Et puis il a relaché ma main.
J'ai eu envie de la reprendre aussitôt.

Et puis ma mère est arrivée, sans prévenir.
J'ai blémis.
La colère est montée en moi, mais je ne voulais pas faire de scène, et surtout pas devant mon frère.
J'ai pris mon sac et je suis sortie.
Sans un mot.

Assise devant l'hopital, au téléphone avec ma grand-mère.
Sa voix qui me berce, qui me rassure, qui me raconte, elle aussi elle a eu des accidents, et oui, c'est la vie, c'est triste mais il va s'en sortir, il bouge encore, t'inquiète pas.
Je laisse quelques larmes rouler sur mes joues.
J'ai froid.

19h. Mon frère me rappelle

- T'es partie ?
- Non non, je suis là ... T'es seul ?
- Oui
- J'arrive alors, je suis là dans 30 secondes
- ... Cool !

Son dernier mot était rempli de joie.
Je fonce.

Et je suis restée avec lui, debout, longtemps, la nuit est arrivée, les visites étaient finies depuis un moment, mais moi j'étais toujours là, près de lui, souriante, à lui donner à manger, comme à un bébé, cuillères dans la bouche, doucement, à lui dire qu'il ne fallait pas qu'il regrette, qu'il ne fallait pas qu'il ait peur, qu'il allait s'en sortir, qu'il pouvait encore bouger ses jambes et ses bras, que c'était qu'un sal moment à passer, mais qu'il allait s'en remettre.
Et ses yeux qui en redemandaient encore.

21h30. Une infirmière est venue lui faire une autre piqure de morphine, alors je suis partie, pour le laisser dormir, le temps que ça fasse effet ...
J'ai approché doucement ma joue de la sienne. On s'est embrassé, fort.

- J'suis content que tu sois venue, p'tite soeur.

Et je l'ai laissé seul.
Et j'avais mal au coeur.

J'ai rejoins des amis, pour me "changer les idées".
J'ai tenue toute la nuit, les yeux ouverts, à regarder l'heure, en pensant à lui, à ses piqures de morphine, à sa douleur.

Et les paroles rassurantes des amis.
Ca va aller t'inquiète pas.
Il est toujours là.
Il aurait pu ... mais il est là.


Et je bois trop, et je suis absente, et je pars sans rien dire à personne, seule, parce que tout me parait dérisoire d'un coup, la fête, l'alcool, alors que je ne pense qu'à cette chambre d'hôpital, et que rien n'effacera cette pensée de mon coeur.

Mon lit, ma chambre, je jette mes vêtements un par un, et je me plonge dans une nuit sans rêve.


***


Je suis allée le voir tous les jours.
8 fois.
Le soir toujours.
Pour l'aider à manger.
Et chaque fois, cette phrase
"Merci p'tite soeur".

Et j'étais heureuse parce qu'il allait mieux, jour après jour, et qu'il a fini par retrouver sa voix, et puis sa mobilité, et qu'il a cessé les piqures.
J'étais heureuse parce qu'il adorait que je vienne le voir.
J'étais heureuse parce qu'à chaque fois, j'ai senti plein d'amour pour moi dans ses yeux, dans cette chambre d'hopital.
J'étais heureuse parce que j'ai vu le ventre de sa copine enceinte, pour la première fois, dans cette chambre d'hôpital, ce bébé qui nous rapproche, qui nous lie à jamais, cette vie que j'ai hâte d'avoir dans les bras, qui me rend folle d'excitation.

Parce que c'est ce qui est le plus important.
C'est cette vie.
Celle de mon frère, celle de sa copine, celle de leur bébé en attente.
Cette vie qui ne tient presque à rien.

Alors je souris, beaucoup, à la vie, à nos vies à tous.

Et c'est tout ce qui compte vraiment.

(... parce que je vais être ... Tataaaaaaaaaaaa ! Aaaaaaaaaah je vais être tataaaaaaaaa ! Hiiiiiiiiii !)

Ecrit par aphone
le Lundi 05 Octobre 2009
à 12:08



Commentaires :

  ecilora
08-12-09
à 13:16

Il est prévu pour quand ce petit bout de bonheur? Et tu sais si c'est une nièce ou un neveu? Et les prénoms? Oui, bon, je suis curieuse mais bon... Moi j'ai dû harceler ma sœur pour le prénom... Tu vas voir, c'est trop bien! :)
Et pour l'accident de ton frère. Je n'ose même pas imaginer quel effet ça me ferait. Depuis, j'espère que tout va mieux. Bien mieux.
T'embrasse.

  aphone
09-12-09
à 01:09

Re:

Il est prévu pour dans 10 jours avant mon anniv ! Hihi ! Normalement c'est un mec, mais tant que j'aurais pas la preuve visible sous les yeux, j'aurais du mal à réaliser ^^
Le prénom, pffffiou c'est vrai, j'en sais rien, ils sont en pleine réflexion je crois, et puis je vais quand-même pas leur filer mes idées ! (manquerait plus qu'ça) ahah
Merci pour tes mots réconfortants, ça me fait du bien tu sais.
T'embrasse aussi <3



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