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Les mots sans le son


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Non, je parle de l'écriture personnelle, de ce mouvement qui va de l'intérieur vers l'extérieur pour exprimer ce qui s'est imprimé en soi - écrire pour dire son expérience, ses rêves, écrire pour dire son désir, l'attraper dans le filet des mots comme un poisson gigotant.
Celle que vous croyez, de Camille Laurens
Période de crise

Non, ça s'est pas tellement arrangé.

C'est le printemps, ça se sent pas spécialement mais ça se voit aux insectes qui vous foncent dessus comme des bulldozers. Dehors il faut beau, beau beau beau, dedans il fait froid, froid froid froid. Lio et moi ne sommes pas encore vraiment réconciliés, toujours pour des problèmes d'argent, mais bref.

Je me suis levée rapidement, je ne l'ai pas réveillé, j'ai juste fait chauffer mon lait, mon pain, j'ai choisi une tenue rapidement et je suis sortie à la quête du bus qui se trouve au bout de la rue. Il arrivait dans 18 minutes, j'ai préféré marcher un peu. Quand le bus est passé près de moi, j'ai continué de marcher. J'en avais juste besoin, prendre des photos du printemps, du chat sur la pelouse, me laisser porter par mes pieds, découvrir des paysages inconnus, tout en briques rouges, me perdre s'il le faut, faire une pause dans le temps, seule, juste avec moi-même et le soleil qui lèche mes collants. Est-ce que j'aurais voulu me promener avec quelqu'un ? Peut-être, mais tant pis, je me balade avec pour but la bibliothèque, j'ai du retard, je m'excuse en rendant mes livres, j'en prends encore un de Lucia Etxebarria, et des partitions dans un élan de motivation.

Je suis rentrée, j'ai lu le début de mon nouveau roman, abandonnant les autres en cours pour l'univers de Lucia. Univers torturé. J'ai pianoté, pas longtemps, parce que j'ai du mal avec la clef de fa, je lis trop lentement, j'aurais du continuer le solfège, peut-être. Du coup j'ai juste retravaillé La Panthère Rose, jusqu'à ce qu'il soit nickel. Papa disait que j'étais celle qui le jouait la mieux, ce morceau. Faudrait pas que je l'oublie. J'ai lu Ninoutita, encore une bonne dizaine d'article, elle me fait planer, j'aime être dans sa vie. Et puis j'ai écouté des morceaux de musique un par un, en savourant les notes, et c'est là qu'il est rentré, vers 8h du soir.

Il est rentré et j'ai souris, je peux pas m'en empêcher. Chaque fois qu'il revient près de moi après une absence, mon coeur bat un peu plus vite, et je souris. Il a fait quelques trucs, et il est venu s'assoir à côté de moi d'un pied très ferme. J'aurais du me douter de quelque chose, mais j'ai juste souris encore plus, parce qu'il s'était rapproché de moi. Il a respiré et il a dit

- Qu'est-ce qu'on fait ?

Ca m'a un peu scotché, coeur qui accélère, doutes et remise en question à l'horizon, j'allais y passer.

- Bah là tu vois, moi j'écoute un peu de musique, et toi ?

Il a rit un petit coup, voyant que j'essaye de prendre ça à la légère, alors il a dit

- Non mais "nous", on va où ?

Là j'ai pas su répondre, j'ai avalé de travers, j'ai senti que ça allait faire mal, qu'un truc gros comme une maison allait me tomber en plein sur la gueule et que je pouvais pas m'écarter. Alors j'ai rien dit, je me suis sentie mal. Il voulait discuter, il était lancé, il avait des phrases en stock. Ca allait faire mal, j'le savais.

- En tout cas moi, je sais pas où on va comme ça. On s'engueule pas spécialement mais c'est froid entre nous, tu restes dans ton coin, on fait plus rien ensemble, de mon côté y'a un truc qui va pas, depuis peut-être un mois, et pour être franc, j'ai envie d'aller bouffer de la fouffe ailleurs.

Là j'ai sûrement du ouvrir les yeux en grand parce qu'il a fait une petite pause. Sa dernière phrase m'avait percutée avec la force d'un camion remorque. Il a repris son discours, mais j'écoutais plus. J'ai tourné la tête, comme pour prendre ma respiration, je suis restée super calme. J'ai pris le cendrier qu'il avait posé sur ma jambe, je lui ai tendu pour qu'il le tienne dans ses mains, et puis je me suis levée, direction l'ailleurs. C'était vital, il fallait que je m'éloigne de lui. Je suis allée dans la salle de bain et j'ai mis le verrou. Mais la salle de bain était un mauvais choix, parce que la porte en bois est pas costaud du tout. Lui, il avait compris ce que j'avais en tête, m'enfermer, m'assoir par terre et ne plus bouger. Il connaît ce numéro là. J'ai à peine eu le temps d'éteindre la lumière et d'envisager de m'assoir par terre quand il a défoncé la porte d'un coup. Ca m'a pas tellement surpris, je crois que pas grand chose aurait pu me faire plus peur ou plus mal que sa putain d'horrible phrase, élégante en plus. Vu qu'il avait pénétré dans mon territoire d'isolement, je me suis dirigée vers la sortie pour aller dans une autre pièce. Il m'a bloqué le passage.

Là ça a commencé à dégénérer. Je ne me souviens plus très bien. La douleur fait effet comme l'alcool. Je ne sentais plus mon corps, je ne sentais plus grand chose. Je l'ai frappé, je l'ai poussé, il m'a attrapé, je me souviens qu'on s'est retrouvé par terre, je lui donnais des coups de pied, il m'a immobilisé, j'ai réussi à me relever, il m'a projeté dans la salle de bain, j'ai atterri du mieux que j'ai pu, j'ai fait demi-tour, il me bloquait toujours le passage, j'ai lancé des rouleaux de PQ, je lui disais de dégager, d'aller baiser ailleurs si c'est ça qu'il voulait, je crois que je parlais fort, lui il voulait parler, absolument, on s'est encore retrouvé par terre, je ne voulais pas qu'il me touche, il me maîtrisait, j'ai hurlé, j'ai appelé de l'aide, mais personne n'est venu, les gens vous laisserait vous entretuer sans problème. J'ai continué ma lutte pour le fuir, il continuait de me tenir captive. Par terre, j'avais une clope en consumation sous le nez, ça sentait le brûlé, je l'ai prise pour lui coller sur la peau, sans succès, j'ai voulu le brûler avec le mini radiateur, il a débranché la prise, je l'ai aspergé de parfum, il a fermé les yeux, je le frappais, il ne bougeait pas. Il m'a serré fort avec ses bras, j'ai eu du mal à respirer, il m'a relâché. Je n'en pouvais plus. J'ai bu de l'eau, ma bouche était terriblement sèche. Je regardais autour de moi en gémissant qu'il me laisse tranquille, j'ai vu un rasoir posé sur la baignoire, je l'ai approché de sa peau, il a reculé un peu, j'ai continué, il reculait encore plus, j'aurais voulu hurler de joie, j'avais trouvé une arme qui faisait effet, je l'ai fait reculé jusqu'à ce que je puisse atteindre la porte et je me suis barrée, le rasoir toujours dans la main, bien fermée, et je me suis précipité vers le téléphone dans le but d'appeler les flics. J'y croyais à mort, si jamais il revenait, je faisais le 112, mon corps entier hurlait contre lui. Il n'est pas revenu. J'ai respiré, je me suis allongée, le téléphone dans une main, le rasoir dans l'autre, j'ai repris mon souffle. Je l'entendais remettre la porte à sa place et ranger un peu, ça a pris du temps. J'en envoyé un texto détresse à Ryne pour qu'elle vienne me chercher. J'ai bu de l'eau, je respirais, j'étais épuisée.

Il est venu s'assoir dans la chambre au bout d'un moment, très loin de moi, sur la moquette, il a mis sa tête entre ses mains, je crois qu'il pleurait. Je ne l'ai pas regardé une seule fois, je me concentrais sur les images de la télé, immobile. Il a continué de parler. Il a dit des choses qui étaient belles, qu'il m'aimait, qu'il souffrait, qu'il voulait à tout prix qu'on parle. Et il a dit des choses moins belles aussi. Mais je ne répondais pas. Je n'avais plus la force de me battre, ni de parler, je voulais juste le fuir. J'ai attendu Ryne 3/4 d'heure, temps qu'il a passé à me parler sans que je réponde une seule fois. Ca lui faisait mal, il voulait tellement que j'actionne ma voix, il m'aurait sûrement secouée s'il avait encore eu la force. Je me suis levée pour préparé mes affaires, j'ai mis mon PC, mes cours, des fringues. Il a dit que si je partais c'était fini. Pour moi aussi, ça l'était, ça m'a pas fait mal, plus rien ne faisait mal. Ryne m'a dit qu'elle était pu très loin et je suis sortie. Je suis montée dans la voiture, je parlais pas beaucoup, Ryne m'a tendu de la vodka, que j'ai bu sans vraiment y croire.

J'ai essayé de faire un peu la fête et de sourire aux gens, mais je regardais mon portable tout le temps, je voulais qu'il appelle, qu'il textote, qu'il fasse quelque chose. J'ai raconté mes malheurs à tout le monde, d'ailleurs ils m'ont tous offert des clopes, une fille un peu déjantée m'a parlé comme à sa meilleure confidente, puis elle m'a tendu un verre, une clope et du feu. J'étais super bien entourée, tout le monde compatissait, tout le monde était beau et gentil. Mais moi j'étais pendue à mon téléphone. L'énervement était parti, la colère, tout ça. Il a envisagé me tromper, ok. Mais qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Ce mec, c'est pas vraiment comme ceux d'avant. Je peux pas le jeter comme ça. J'peux pas. Ryne l'a appelé en faisant comme si elle était au courant de rien et qu'elle se posait des questions. Mais ça m'a pas suffit, ça allait pas, je suis allée faire pipi, j'avais beaucoup bu, je l'ai appelé, j'ai chouiné

- Je fais quoiiiiiii ??
- Comment ça ?
- Je fais quoiiiiiiii !!
- Bah je sais pas moi, par rapport à quoi ?
- Je sais paaaaas, je fais quoiiiiii !!??
- Soit tu dors chez Ryne et on voit demain, soit je viens te chercher maintenant
- Mais pourquoiiiiiii ?? Qu'est-ce qu'il va se passer ??

Au bout d'un moment, j'ai pu eu assez de crédit pour continuer mes conneries, ça a coupé. Ryne est rentré en ouvrant la porte, je sais pas trop comment, j'avais verrouillé. Elle s'est assise et m'a parlé, m'a résonné. J'ai pleuré. A la fin elle m'a prété son portable pour que je l'appelle, et il est venu me chercher. On est sorti des chiottes, le temps que je remonte ma culotte et le reste. J'allais mieux. Je sais pas si c'était la meilleure solution, j'avais l'impression d'être en totale contradiction avec moi-même, mais j'y pouvais rien. J'ai continué de boire, on était pu beaucoup, le frère de Nana m'a fait un câlin, je me suis plains encore, il me caressait la joue et j'étais terriblement bien sur ses genoux. J'ai du faire des câlins à tout le monde ce soir là. J'étais archi-bourrée. Lio a mis beaucoup de temps à arriver, on papotait sur le canap', on disait des conneries. Enfin il est arrivé, et je suis rentrée dans la voiture.

Au début je l'ai joué relax, genre "comment ça va ?? Content d'me voir ??", il avait pas l'air bien. Et là pareil, je sais pas trop ce qui s'est passé, parfois on fait vraiment des trucs bizarre, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps en gémissant, comme possédé par la douleur. J'ai pleuré pendant tout le trajet, c'est à dire 1/4 d'heure, il me disait de me calmer, me caressait les cuisses, mais je hurlais presque, c'était incontrôlable. Il s'est garé et m'a pris dans ses bras, mais j'ai continué, entre mes sanglots je jetais des phrases du genre "je t'aime, me quitte pas, je peux pas vivre sans toi, reste avec moi", je les répétais au moins 10 fois chacune, ça devait pas être beau à voir. Il me serrait fort et ma proposé de monter à l'appart, j'ai dit non tellement j'avais peur de me décoller de ses bras. Il m'a pas lâché, il me consolait, il était doux, chaud, je me suis un peu calmée, j'ai bien voulu sortir de la voiture. On est allé dans le lit, on s'est collé l'un contre l'autre, il m'a installé pour que je dorme, je m'agrippais à lui comme si il allait s'envoler, j'étais mal. J'ai fini par m'endormir, après l'avoir embrassé des tonnes de fois. On s'est pas décollé une seule fois de la nuit.

Au matin, on a fait l'amour. J'ai pleuré entre 2 changements de position, m'accrochant à ses lèvres. Il m'a serré dans ses bras. Et puis on a repris. Le reste, c'est gueule de bois, silence, regards douloureux. Il faut que je lui parle, je vais aller lui parler, il le faut, il faut que j'arrête d'écrire, il dort, je le réveille ?

Si je devais choisir une phrase pour résumer la situation, je crois que ça serait "période de crise". Ca collerait nickel. Mhh. Et ma mère m'a envoyé un texto pour m'annoncer qu'elle faisait une fausse couche. De toute façon elle va retenter sa chance dans pas longtemps. Tu parles, j'la connais. Le fait de connaître le père depuis 1 mois, ça la dérange pas du tout.

Faites que tout s'arrange ...

Ecrit par aphone
le Dimanche 30 Mars 2008
à 18:11



Commentaires :

  ninoutita
30-03-08
à 18:59

Quand je disais que j'avais hâte d'en savoir plus sur tes mésaventures, j'aurais du me la fermer. J'aurais préféré que tout s'arrange et que tu n'aies rien à écrire parce que parfois, quand on est heureux ou bien, on n'a rien à dire. J'ai envie que tu lui parles, que tout s'arrange parce que ça peut PAS finir pour des histoires d'argent.
Bon l'histoire d'aller voir ailleurs, c'est un peu dur, peut-être qu'il a dit ça pour te faire réagir ?
Mais il ne faut pas que vous vous engouffriez dans un cercle vicieux passionnel, genre on fait l'amour et on s'entretue l'instant d'après. Ce serait pas sain et puis c'est peut-être pas ça l'amour. Enfin j'en sais trop rien.
Je t'embrasse fort, je te souhaite beaucoup de courage. Et ça m'a fait chaud au coeur d'apercevoir mon pseudo dans ton article.

  aphone
30-03-08
à 23:00

Re:

Pour me faire réagir, parce qu'il se pose des questions. Je sais pas trop encore. Il a des yeux tristes c'est flippant.

Il veut plus parler c'est bizarre. Peut-être que la crise lui a suffit, qu'il a vu combien je tiens à lui. Ou pas? Ahhh j'en sais rien !!

Mais en tout cas ça va mieux, comme si ça faisait 5 jours qu'on sort ensemble, je suis au petit soin.

Non j'ai pas envie que ce genre de choses deviennent une habitude, mais plutôt un évenement rare, placé à côté de noël et des anniversaires. Et puis sinon ça ne serait plus aussi spéctaculaire, on risquerait de se lasser =p

Merci beaucoup =)) Toi aussi, du bonheur, des belles photos et des beaux écrits ! (j'ai pris une photo un peu spychédélique de moi en pensant à toi, je voulais la publier avec écrit "photo façon Ninou" mais j'ai perdu mon cable hum ... la loose)

  stupidchick
30-03-08
à 19:19

il doit y avoir un mauvais micro-climat karma pour les couples. ptet la pleine lune.

jcomprends tes larmes et tes crises. je les vis aussi.


  aphone
30-03-08
à 22:53

Re:

Désolée, j'espère que c'est pas trop régulier, parce que c'est fatigant.
Bon courage, merci d'être passée.

  Delirium-Tremens
30-03-08
à 20:56

Bon la dernière fois j'ai fais de la grosse merde sur les commentaires alors là je sais plus trop quoi dire. J'ai vécu la même chose, le même bordel sauf que c'était lui qui parlait pas et moi qui tapait/hurlait. Je le fais plus depuis que je vais chez un psy et nos relations ont complétement changés. Ca veut pas dire que tu dois y aller mais qu'il faut travailler. Travailler votre relation, faire des dépassements. Je sais pas si ce que ma psy dit est con mais elle dit qu'un couple c'est fait de dépassement, de chaque côté. Vu ce que tu écris, ton truc à toi c'est que tu as du mal à parler. Je vais pas faire une analyse mais ça peut s'arranger. Tant qu'il y a de l'amour. Et y'a de l'Amour. Alors t'en fais pas, tout ira bien. Et puis si tu veux aller bien, c'est con à dire mais faut que tu te foutes des autres, des gens qui t'entourent et te filent des mauvaises ondes. 20 ans c'est l'âge où tu te construis, découvre, etc alors pense à toi (et pas à ceux qui laisse des commentaires pourris et qui ont honte de eux). J'espère que ça ira mieux. Bzoux.

  aphone
30-03-08
à 22:50

Re:

"ton truc à toi c'est que tu as du mal à parler."

Tu m'as trop fait rire ! Oui, c'est pour ça que mon pseudo c'est Aphone =)
Mais je fais des efforts, je parle de plus en plus, même que je m'engueule et que je dis c'que j'pense, mais parfois ça bloque encore ^^ Surtout quand on me sort des phrases pareilles, c'est pas tous les dimanches !!

Bref merci, non tu laisses pas des com' pourris !
J'aimerais bien pouvoir me foutre des autres, mais bon ...

Bisous !

  Delirium-Tremens
31-03-08
à 09:40

Re:

C'est vrai que le coup de la phrase y' de quoi lui filer une palme ou un césar!... Moi j'aurais opté pour la claque en première instance, puis le cassage de tout le reste en deuxième instance, puis la fuite! Mais bon, c'est qu'une idée de blonde (à l'avatar aux cheveux verts!)

A plus sur canal plus!




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