- Je te préviens, c'est le tier monde, genre cité HLM avec ascenseur en panne et tag dans les escaliers.

Il me fait une petite grimace, l'air inquiet.

- Et puis c'est sal aussi, genre des fois y'a des cafards, des puces, le papier-peint est tout niqué, ça sent la pisse de chat et le toilette est cassé.

Il fait les grands yeux, l'air complètement paniqué.

- Mais bon enfin j'aimerais bien que tu viennes voir ma mère avec moi, ça serait cool, tu pourrais me dire ce que tu en penses TOI, et si on l'invite pour noël ou pas, parce que j'ai pas envie de te faire de mauvaises blagues tu comprends ?

C'est comme ça qu'on est parti ensemble, direction Paris, avec nos 2 trousses de toilettes chacun, Direction la banlieue est.

J'envoie un petit texto à ma mère : "pour allez chez toi, on passe par le périph' ou on l'évite ?"

De là elle me laisse 5 messages vocaux, 6 textos, et 15 appels en absence, pour m'expliquer quelle sortie je dois prendre.
Ma mère ne sait pas dire les choses simplement.
Je soupire d'inquiètude à l'idée de passer tout un weekend avec elle.

Sans se perdre, on arrive à destination, fières de n'avoir pas fait 100Km de plus du genre "ah zut on a loupé la bonne sortie", je conduis mon homme jusqu'à l'immeuble qui mène à l'ascenseur, qui mène à l'étage où habite ma mère depuis maintenant 5 ans.

Mes petits frères nous ouvrent et nous font de grands sourires timides. Je les embrasse fort.
Ma mère est dans le salon, à ranger 2-3 trucs en hate, soulève ses cheveux et me fait la bise, toute joyeuse.
Je fais visiter le palace à Lio, mais mon petit blond me fait de la concurence directe "Noooooon c'est moi qui lui fait visiter les toilettes, toi tu lui montres la cuisine ok ?" euuuuh oui.

Ma mère est dans une période de bonheur intense, ce qui signifie "amour flambant neuf car nouvel amant, sexe et alcool à volonté". Le reste du monde la préocupe beaucoup moins.

On part s'acheter des pizzas avec Lio, vu que le frigo doit être dans une période de réflexion intense, ou de vide peut-être.
Petit-frère-blond vient avec nous, ça me donne le sourire, son énérgie, son intelligence, sa mentalité d'enfant, je l'aime je l'aime je l'aime.

En revenant à la maison, l'amant de ma mère est là, le fameux, celui qu'elle rêvait d'attraper depuis 3 ans, celui qui habitait au premier étage, et qui maintenant s'installe doucement chez ma mère, alors qu'elle essaye de nous faire croire que leur amour est une pure coincidence, que ça lui est tombé dessus comme ça sans prévenir, alors qu'elle n'attendait que ça depuis un long moment.
Je crois que ma mère vit dans une bulle, repeinte par le mensonge et animée par les bulles du wisky-coca.

Je passe beaucoup de temps avec mes frères, on joue à la playstation, on se bagarre, petit-frère-blond me met à terre, je le chatouille, et puis j'essaye de m'enfuir mais il me bondit dessus, tandis que Lio est en train d'écouter avec mère, ou de parler Naruto avec Petit-frère-roux.

On fait un jeu de société tous ensemble et ça se passe plutôt bien. Ma mère fait des crêpes, le chaton se fait pouponner, la télé crache sa bétise calmement en fond sonore.

Les heures défilent tranquillement, les petits doivent aller se coucher, on se retrouve dans la chambre à regarder des Walts Disney, pendant que Lio répare le Pc de ma mère, on se fait des calins, Petit-frère-roux pose sa tête sur mon épaule, à la recherche de l'affection que je ne donne peut-être pas assez, et Petit-blond s'approprie mon ventre sans chercher de négociation.

Minuit.
Petit-blond s'est endormi dans notre lit. J'appelle Reno pour savoir si l'on va toujours à la fête du pote de Th.
Reno voudrait qu'on passe le prendre en voiture, lui, ofée et Ninette.
Je dis Ok, rendez-vous dans 30 minutes.

"30 minutes", comment être plus optimiste ?

Puisque moi et mon chéri avons eu la superbe idée de croire qu'aller à Paris serait une chose facile et que l'utilisation d'un plan ne nous serait pas nécessaire "y'a des panneaux, faut bien que ça serve !".

On se retrouve donc sur une petite route de campagne coincée entre 2 forêts, et aucun panneaux indiquant Paris.

"Vous arrivez bientôoooooooot ??" nous demande Renaud.
"Euh oui oui, bah là en fait je crois bien qu'on se dirige vers Lyon mais on va finir par retrouver notre chemin c'est certain !"
"Lyooooooooon ??? Mais vous foutez quoi ??"
"Bah, on part en vacances !!"
"Ah ouai d'accord, bon j'te rappelle, on vous attend"

3 minutes plus tard

"Vous êtes ouuuuuuuuuuuuuuu ?"
Bah, on a fait demi-tour, parce que Lyon c'était pas une bonne idée, et on cherche un panneau Paris"
"Oh d'accord, bon bah on vous attends, on est dans le froid, vous arrivez quand ?"
"Euh, dans 10 minutes, j'espère !"
"Ok j'te rappelle"

4 minutes plus tard

"Vous êtes ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuUUUuuuUUUuuuu ?"
"Euh, ça y'est ! On a trouvé un panneau Paris, j'ai sorti le plan, on est sur la bonne direction !"
"ahhhhhhhhhhhhh !"
"Par contre on s'est super éloigné de Paris, alors j'espère qu'on sera là vite, mais on se dépeche !"
"Combien de temps ?"
"Euh ... 10 minutes ?!"
"... Ok j'te rappelle"

10 minutes plus tard

"Vous êtes ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu ???"
"J'crois qu'on s'approche du périphérique, t'inquiète là on maitrise la situation, on est là dans 10 minutes !"
"..."

Bref, une heure plus tard, nous étions enfin arrivé à Paris et embarquions 3 amis en forme de glaçon, un tantinet énèrvés, quoi que toujours de bonne humeur.
On rit, ils se moquent de nous, mais l'affaire n'est toujours pas dans le sac car il faut trouver la maison du pote de Th.
On est pas arrivé.
Il est 2h du matin.
Mais cette fois-çi on est 5, donc si 4 pensent qu'il faut tourner à droite, contre 1 qui pense qu'il faut tourner à gauche, on tourne à droite. Belle démocratie.

On arrive à destination, abandonnant la voiture, affrontant la colère de Th.
Car j'avais un peu peur.
Et mes peurs étaient confirmées par mes proches.

"Tu crois que si j'amène Lio à la fête, Th va le tabasser ?"
"Ouai j'te conseille pas, ça risque de mal tourner"
"Ah d'accord ..."

Bon, je reprends mon souffle, et j'entre avec mon homme, fait la bise à Th et laisse les 2 ours se saluer.
Tout se passe bien.

Mais je suis stressée.
Après tout, ça ne m'est jamais arrivé de garder le contact avec un ex, et donc encore moins de me ramener avec un nouveau mec devant l'ancien.
Ca fait bizarre.

Je demande à Th de m'accorder 5 minutes de dialogue.
Il accepte, on s'éclipse dans le jardin.
J'en concluerais qu'il n'y avait aucun inconviéniant à ce que je ramène mon homme, et que Th est moins rancunier qu'on aurait pu le croire.
Soulagement.
De plus, j'ai un peu bu et je suis super sympa avec Th, peace en love, aimons-nous mes frères.
Bref.
Je peux enfin rouler des pelles à mon mec sans remord.

Jc est beaucoup plus distant que la dernière fois (où il insistait lourdement pour que nous allions faire des bébés dans l'allée) et c'est à peine s'il m'a regardé une seule fois, comme si d'un coup, il ne m'aimait plus.
Je suis paumée.

Les gens sont tous comateux, par terre, ravagés par l'alcool et la fumée du calumé.
On part 2h plus tard, après avoir englouti une ou deux crèpes au Nutella qui trainaient sur la table, pour la route.

Autoroute.
Je n'ai presque rien bu (de la bière, du vin, et du champagne ... ouai c'est pas mal) je vois trouble et j'ai du mal à me concentrer, heureusement Lio a bien compris la route, et s'arrête presque sur commande quand je lui supplie que "j'vais m'faire pipiiiiii dessuuuuus !!".

Petit-frère blond dort dans notre lit, je le prends dans mes bras tant bien que mal, et le porte jusqu'à son petit lit, le couvre de petits bisous et de calineries dans les cheveux, avant de faire un plongeons dans mon lit, blottie contre lui, mon homme bouillotte adoré.

Gueule de bois.
Le volet a grincé une bonne partie de la nuit.
L'alcool n'a pas aidé non plus.

Je lance la K7 "Le noël de Mickey", que je regardais quand j'étais petite, et je me rends compte que cette K7 a une super belle morale, critiquant les riches qui exploitent les pauvres, et lamentablement je suis forcée de constater que j'ai les yeux tout pleins de larmes.
Pathétique.
Ah ouai ça c'est clair, en ce moment il m'en faut peu pour être émue.

Je vais m'effondrer sur le canapé, à côté de mon blondinet et du chaton que j'ai attrappé sur ma trajectoire.

A table, ma mère m'achève avec un "je vais bientôt avoir internet, dis, t'es sûre que t'as pas fait un nouveau blog ??" et moi qui n'ai jamais vraiment su mentir, je deviens toute rouge, signe me trahissant immédiatement.
Je voudrais juste garder ma liberté d'expression, crotte.
J'espère qu'elle ne trouvera pas cet endroit.

Elle continue de ne parler qu'à moi, de s'approcher tout près, de me faire de grande déclaration d'amour et de répèter la même chose de 20 façons différentes, elle sent l'alcool très fort, et je n'arrive pas à lui dire d'arrêter tout son théâtre, de se mentir tout le temps, et de vouloir m'arracher de la bouche tous les mots qui lui feraient plaisir, surtout de me laisser tranquille, et Blondinet qui lui dit "euhhh je crois qu'elle a pas beaucoup envie de te parler", et qui me sauve la vie par la même occasion.

Je me retrouve dans un grand bain chaud face à mon amoureux aux yeux vert-bleu qui me dévisage, et ça va mieux d'un coup, quand il me dit "ferme les yeux", j'obéis, il passe une fleur de bain dans ma nuque, sur mon visage, sur mes épaules, je suis lassive, passive, tout à lui, je m'abandonne au plaisir des sens, de ses lèvres, la chaleur de l'eau, la tranquillité, il me masse doucement, il est beau, je le sais même les yeux fermés.

On se retrouve dans la voiture, au bout de la route il y a mon frère, près de la gare, 6 mois que je ne l'avais pas vu, 6 long mois, je suis heureuse, je dis à Lio "tu vas voir, mon frère il est cool, il me fait trop rire, bon parfois il parle pas beaucoup, parce qu'il vit pour son ordinateur, mais tu vas voir, j'l'adore, il est trop drôle blablabla" et Lio et mon frère ne tarde pas à parler prise USB et disque dur tandis que je parle un peu à sa copine, blonde et calme, mon frère se moque de moi quand je parle de ma mobylette jaune, je me moque de son toilette qui a une cuvette absorbeuse de fesses, on croit qu'on va tomber dans le trou, ça fait comme un pouf, j'admire son nouvel appart', je suis contente de voir qu'il vit pénard dans son coin, dans son petit confort, avec sa petite femme, et ses 4 ordinateurs.

On repart une fois de plus, la voiture, la nuit, l'autoroute, les étoiles sur la départementale, et je mets du Marylin Manson à fond l'autoradio, la tête à l'abandon, le musique convrant tout, mes pensées, ma peine, je repense à mon frère, et la distance qui nous sépare, la communication qu'on a jamais vraiment eu, parce que c'est mon frère, et puis ma mère, dans son monde, proche du mien et tellement loin en même temps, qui pèse lourd dans ma tête, trop lourd.

On se retrouve chez Franzzz, dans un petit village loin de Lille, aux allures de chalet, où on se fait des frites avec pleins de sauce (la faim se faisait sentir) et Franzzz nous fait gouter les alcools que font ses parents, alcool à la cerise, aux noisettes et autres fruits, il y a un chaton sur mes genoux, des frites dans mon ventre, mon Lio tout près de moi, de la fatigue dans les yeux, et je me laisse doucement happer par le sommeil, qui me guidera jusqu'à la chambre au grand lit qui sent le vieux, j'aime cette odeur, je pense à mes arrière-grand-parents, je m'égare dans des vieux souvenirs appaisants.

"En fait ta mère, à bien y réfléchir, je dirais que c'est une fétarde, genre baba cool"

Je ne sais toujours pas si j'ai envie de l'inviter à Noël. J'ai très envie de passer Noël avec Lio, en famille, mais avec ma mère et la mère de Lio, ça pourrait très vite être du n'importe quoi, surtout que ma mère est d'extrème gauche, et celle de Lio ... de droite ou d'extrème droite, j'hésite. Donc si l'une plaçait dans la conversation un "tous au karcher", avec quelques verres en trop, ça pourrait mal tourner.

Enfin, ça mettrait un peu d'animation, qui sait.