Ca a commencé à cause d'un "c'est pas toi qui mettrais cette robe".
Le traître.

On passait à côté d'un magasin de fringues quand Reno à dit
 - Ninette viens juste de s'acheter cette robe.

Il pointait du doigt une super jolie robe.
Le genre de robe qui vous fait comme une deuxième peau.
Le genre légère et moulante avec le tissu qui fait des vagues le long des cuisses et qui met vos seins en avant.

J'ai dit "wahou" tout en tournant légèrement l'étiquette pour voir le prix.
Là j'ai fait "ah".

Et puis c'est là que Th a parlé.
Il n'aurait pas dû.
Ca lui aurait peut-être évité une abstinence de 3 jours.

- Oh dis donc y'en a qui ont de la chance ! (En parlant à Reno) C'est pas toi qui mettrais cette robe (en parlant à moi)

Le traître.
Je sais que depuis qu'on sort ensemble, il ne m'a vu qu'une seule fois en jupe.
Ca m'a d'ailleurs coûté un "oh je t'avais pas reconnu !" pendant que je traversais le boulevard pour le rejoindre.
J'avais envie de lui dire que je savais mettre autre chose que des jeans des fois et qu'il fait plutôt froid en ce moment, mais j'ai juste souri parce que j'assumais pas trop ma robe.

Mais bordel, c'est pas une raison pour me dire que je ne suis pas capable de porter une jolie robe moi aussi !

J'en ai eu marre.
J'en ai eu marre qu'on me prenne pour Roberte parce que je bois de la bière et que je fais des concours de rot avec Poopook.
J'en ai eu marre qu'on me dise sur le ton de la rigolade "nan mais d'façon toi t'es pas vraiment une fille pas vrai !"
Aaaaaah-aaaah.
...

J'avais l'intention de leur prouver à tous que j'avais bien une foufoune et non pas un phallus entre les jambes.

J'ai donc embarqué Tigroo et nous sommes allées faire les magasins.

J'avais mis ma petite jupe turquoise avec des collants résilles.
T'inquiète Roberte, ça va le faire.

Qu'est-ce que c'est dur de s'assumer parfois.
A peine sortie dans la rue, c'était comme un supplice.
J'avais l'impression que le monde tournait autour de mes jambes.
Je ne voyais plus que ça, ces deux longs jambons tout rose emballés dans leur filet de pèche.
J'étais pas fière.

Tigroo m'a regardé de haut en bas avant de laisser s'échapper un "ah ouai quand-même".
Puis elle s'est empressé de me rassurée comme quoi "mais non tu n'es pas vulgaire, mais non tu n'es pas à poil c'est bon t'as le droit de mettre des jupes".
Quand elle a rajouté que "de toute façon une fille qui porte une gavroche titi parisien ne peut PAS être une pouffe !", là franchement j'étais super rassurée.

On a fait les cruches dans les cabines d'essayage.
Je m'affirme en tant que foufoune : j'aime de plus en plus faire les magasins.
Tant que c'est pas trop souvent.

Tigroo s'est acheté une robe rose à fleur style "Barbie va à la plage".
J'ai pris un maillot de bain jaune (avec du rembourrage s'il vous plait) une mini jupe grise et un dos nu noir.
Femmes fatales, j'arrive.

***

Quand Chaussette a ouvert la porte, il a dit "genre toi tu mets des jupes".
Et oui Roberte s'est travestie ...
Th m'a regardé de haut en bas (surtout en bas) en ouvrant des grands yeux et m'a dit que "oh".

Je l'avais ma revanche.

Je m'amusais bien, à attraper leur regard un peu gênés comme des trophées.

Je sais que j'ai des jolies jambes.
Quoi que légèrement trop poilues mais avec les résilles c'était nickel.
Bah quoi j'y peux rien.
Mais si je m'épile !

***

Depuis que je porte ma jupette grise, j'ai eu le droit à un "voulez-vous m'épouser ?" (wahou ça dépend tu gagnes combien ?), à des sifflements (comme si j'étais devenu Milou), à des regards féminins qui me disaient à 3 Km "pff pouffiasse".
Hum.
Dur de porter une jupe.
Comme si le fait de changer une fringue faisait que je n'étais plus la même.
Pfffff.
J'suis pas une vraie pouffe c'était juste pour rigoler.

Parfois, assise sur mon siège dans le métro, je sais que c'est bientôt ma station et qu'il va falloir que je me lève et je sorte, mais j'ai trop peur et je reste assise comme si je n'allais jamais y arriver, comme si quelqu'un allait se lever et me dire "vous pourriez vous habillez quand-même".
Tu sais, genre la petite vieille désagréable qui met des pulls même en été (des pulls fait maison bien sûr) et qui ne supporte pas de voir toutes ces filles montrer leur nombrils (c'est d'un VULGAIRE !).
Merde, j'crois que j'dramatise un peu là.
Je reprends tout mon souffle et je me lève d'un bond.
Piou.

***

Quand j'ai rejoins Emilie à St Michel, elle m'a dit "wahou, ah quand-même".
Hum.
Elle n'arrêtait pas de relooker mes jambes, de soulever le peu de tissu qui cache mes fesses, de faire un pas en arrière pour avoir une vue panoramique.
Assume ta jupe ma fille.

On s'assoit à l'intérieur d'un bar et je peux enfin oublier mes jambes.
Elle me raconte comment son collègue de travail s'est retrouvé collé derrière elle, tandis qu'elle se disant intérieurement "mais ... c'est qu'il bande le salaud !" alors qu'elle vendait une vidéo X à un client.
Dur de bosser dans un magasin de DVD.
Elle me fait trop rire.

Je lui parle de mon psychopathe, de mon projet.
Elle me dit qu'elle a croisé son psychopathe à elle y'a pas très longtemps.
Oui, on a déjà ça en commun, on est toutes les deux sortis avec un fou.
Le sien s'enfermait dans sa chambre après avoir enfilé les vêtements de Milie, un couteau dans la main, criant à son père que s'il entrait dans la chambre il se tuait, qu'il ne voulait voir que Milie.
Tu parles d'un cas.

Elle me dit que, c'est bizarre, il y a 4 ans elle lui disait je t'aime, et aujourd'hui, elle avait mis 5 minutes à le reconnaître sous l'abribus.
Elle me dit que c'est triste, qu'elle ne voudrait pas que ça lui arrive avec Art, que ça serait horrible.

Ensuite on a parlé de tous les cas de viols récents qu'on connaissait à Paris.
J'ai dormi chez elle.

***

Quand je suis rentrée chez moi, au bout de 3 jours d'intense assumation (oui ça existe), j'ai sauté de plaisir sur mon bon vieux jeans.
Aaaaaaaaaaaaaaah BONHEUR.

Par contre, on remarquera que le jour où je rentre chez moi tel la plus sexy des sexy girl, il est pas là pour me dire bonjour, le Guillaume Canet !!!
FORCEMENT !
Pffff ...